Juste, équitable et progressive ?
Mise au point sur la nouvelle taxe immobilière
Le gouvernement vient de présenter son projet de loi pour une nouvelle taxe sur l’immobilier, malheureusement sans intégrer les différents types d’imposition déjà en vigueur, mais en en créant une nouvelle: la taxe Immobilière.
Le projet de loi vise, entre autres, à harmoniser l’imposition sur la fortune aux tendances européennes. En effet, tandis qu’en Hongrie de telles taxations représentent 2 à 3% du total des revenus fiscaux, en Europe cette proportion va jusqu’à 10%. Toutefois, le but primordial du gouvernement n’est pas de générer des recettes budgétaires, estimées à 150 milliards de HUF. Il est d’avantage moral dans le sens où il cherche à harmoniser les cotisations des Hongrois les plus riches avec l’augmentation des charges publiques assumées par les citoyens.
L’idée de l’introduction de la taxe immobilière a été évoquée pour la première fois par le programme de convergence de 2006, avec une mise en place prévue pour 2008. Comme aucune obligation financière n’a rendu les mesures urgentes, et que les principaux partis n’avaient pu se mettre d’accord sur une telle réforme à l’époque, celle-ci avait été ajournée. Toutefois, la crise économique a remis cette question sur le devant de la scène: conformément aux propos du gouvernement en 2008, le programme de l’Alliance pour les Réformes a été marqué par le projet de taxe immobilière, de nouveau évoqué cette fois dans le plan du nouveau Premier Ministre, Gordon Bajnai. Selon ce dernier, la nouvelle taxe immobilière distinguerait trois catégories de taxation progressive des biens immobiliers : “appartements”, “maisons”, “véhicules maritimes et voitures de luxe”, avec des barrières d’une valeur de 30 et 50 millions de HUF. Les biens ayant une valeur supérieure à 30 millions, mais inférieure à 50 millions de HUF, seront assujettis à une taxation de 0,35%, qui s’élèvera ensuite jusqu’à 0,5% pour les immobiliers à valeur supérieur à 50 millions de HUF. Les cotisations seront basées sur l’auto-déclaration et administrées par le Fisc.
Le projet de loi sur la taxe immobilière est fortement critiqué tant par l’opposition, revendiquant de vraies réformes fiscales, que par les experts financiers. Tout d’abord parce qu’il est très difficile d’estimer le cours du marché des biens immobiliers. Il est donc unique, relatif, éventuel et volatile, impossible d’être généralisé par des calculs et fonctions modèles. Créer un registre récapitulant la valeur de tous les biens immobiliers en Hongrie, dont on ne dispose pas à l’heure actuelle, nécessiterait deux ans de travail et un contrôle permanent et donc coûteux, ne serait-ce que pour le personnel qualifié qu’il faudrait former pour cette tâche. De plus, la nouvelle taxe pose des problèmes moraux: premièrement elle fait payer les épargnants, ceux qui, au lieux de dépenser le total de leurs revenus, se sont servi de leurs épargnes, déjà fortement taxés, pour investir dans l’immobilier. Deuxièmement, l’acquisition des biens immobiliers en Hongrie ne résulte pas d’une croissance continue du niveau de vie au cours des dernières décennies, mais de procédures de privatisation menées dans les années 1990: c’est à cette époque là que les locataires des appartements régis jusqu’alors par l’Etat ont pu acquérir ces biens à des prix négligeables et devenir ainsi propriétaires. Notons par ailleurs que la nouvelle loi enrichit le budget de l’Etat, ce qui va contre l’esprit de décentralisation de la constitution et l’élargissement des droits des municipalités, certainement plus compétentes en matière d’affaires locales. Malheureusement, la taxe prévue n’est pas universelle car elle ne pèse pas sur les biens publics, c’est à dire les locaux et bâtiments détenus par les autorités et sociétés nationales.
La question se pose alors de savoir comment une cotisation sur les biens immobiliers peut être efficace et juste si elle ne touche pas le plus grand propriétaire du pays, c’est-à-dire l’Etat hongrois. En Hongrie le système fiscal est très mal accepté et les fraudes très fréquentes. Sans doute, nombreux seront ceux qui échapperont à cette taxe immobilière, à l’aide de techniques encore à perfectionner, comme la création de collectivités immobilières: il s’agit de la division juridique des biens immobiliers d’une valeur de 30 millions de HUF en plusieurs parties, détenues par différents membres d’une même famille, exemptes alors de taxation. A l’heure actuelle, le gouvernement n’a pas encore recueilli la majorité pour faire adopter cette proposition et, si les critiques s’avèrent fondées, il aura des difficultés à y parvenir.
Kata Bors