Jeux d’ombres et de lumière de Moholy-Nagy

Jeux d’ombres et de lumière de Moholy-Nagy

Rencontre avec Oliva Mario Rubio

 

La grande rétrospective consacrée à László Moholy-Nagy rentre au pays après un séjour à Berlin, La Haye, puis dans les grands espaces de la Fabríca de Madrid. Depuis de longues années, Oliva Mario Rubio rêvait d'accueillir l’oeuvre de l’artiste à Madrid.

Ce fut un grand succès en Espagne, nous a-t-elle confié lors de notre rencontre à Budapest. C'est au tour du musée Ludwig d'ouvrir ses portes aux photos, photogrammes, dessins, décors de théâtre et séquences de cinéma du célèbre artiste.

Le musée avait préparé l'évènement : le public, accueilli à grand renfort de jeux de lumière venus illuminer la façade, a pu s'installer en terrasse pour assister à une projection en plein air, le tout avec accompagnement musical.

László Moholy-Nagy, ce grand artiste né à la fin du 19ème siècle en Hongrie, a révolutionné l’art avec son modulateur d'espace-lumière, ainsi qu'avec ses photogrammes – photos réalisées sans appareil, en exposant directement le film à la lumière - au moment même où Man Ray expérimentait ses rayogrammes . Il voulait que les spectateurs prennent activement part au processus de perception, et innova dans tous les genres. Il a par exemple réalisé au Vieux Port de Marseille un film muet expérimental, dans une perspective tout à fait nouvelle, qui alterne prises de vue en plongée et aériennes. De la même façon, il nous a fait découvrir Paris depuis la fenêtre de l’atelier de Mondrian, ou Berlin depuis la tour émetteur radio. Il a été scénographe de l’Opéra de la capitale allemande, et a également réalisé des décors de théâtre pour Piscator. Le documentaire qu'il a tourné à Berlin sur les gitans a, notamment, été vivement apprécié lors de sa projection à Madrid. A Budapest, les organisateurs de l'exposition ont enrichi celle-ci de quelques dessins et affiches datant des débuts de l'artiste, ainsi que de sa contribution à MA, la revue d’avant-garde de Lajos Kassák, à Budapest d'abord, en exil à Vienne ensuite. Sur le parcours de l'artiste, les ouvrages de l’historienne de l’art Krisztina Passuth, également édités en français, sont aujourd'hui la référence. L'emblématique photomontage intitulé « Jalousie », affiche de l’expo, a même inspiré un film, réalisé par la suite en Amérique.

La lumière était au coeur des préoccupations de l'artiste. Son modulateur d'espace-lumière a même été présenté à Paris en 1930, lors du salon des artistes décorateurs au Grand Palais. Cette machine faite de métal, de plastique et de verre, permet de visualiser l'intensité de la lumière dans l’espace à l’aide de mouvements programmés.

Selon Moholy-Nagy, la tâche de l'artiste doit être de produire, et non pas de reproduire. Il a travaillé pour le Bauhaus à Weimar et à Dessau, a ensuite fui l’Allemagne pour Amsterdam, Londres, puis Chicago où il a participé à la fondation du New Bauhaus. Il a toutefois fini par fonder sa propre école de design. Après avoir consacré quelques ouvrages au Bauhaus, il a achevé la synthèse de sa théorie de la perception, avant sa mort prématurée. László Moholyi Nagy croyait avec ferveur dans la force de l’art. Sa réflexion intemporelle interpelle le visiteur, aujourd'hui encore, et le questionne sur les limites de la perception.

Éva Vámos

Musée Ludwig – 1095 Komor Marcell utca 1, ouvert jusqu’au 25 septembre, du mardi au dimanche, de 10h à 18h.

 

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