Jamais contents

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Les paysans hongrois râlent. Quelle belle preuve d’intégration européenne me direz-vous tant ce phénomène est courant dans les pays de l’Union. Lors de sa récente visite, M. Barnier, le ministre français de l’agriculture, a rappelé les trois principes fondateurs de la PAC : solidarité financière, unité du marché et préférence communautaire, mais dans la pratique ces principes sont plutôt malaisés à mettre en œuvre.

Les productions agricoles européennes sont très diverses et fortement concurrentielles. Il y a donc toujours un secteur qui se porte mal. Les producteurs de fruits et légumes hongrois sont essentiellement de petits producteurs et même si la moitié de la production est achetée par les industries agroalimentaires leur situation est souvent difficile.

Même si la surface affectée à la vigne est en régression, ce secteur est très important du point de vue symbolique pour la population hongroise et les velléités d’arrachage de la Commission européenne ne sont pas du goût de tout le monde…

Pourtant le principe de la PAC (en théorie, bien entendu) c’est de rationaliser les productions des pays membres de manière à être concurrentiels, pas de produire chacun dans son coin en espérant vendre plus que le voisin. Si l’accent est mis sur la qualité, pas mal d’exploitations hongroises vont devoir se reconvertir. Ce n’est pas que la vigne hongroise soit de mauvaise qualité, simplement pour cette qualité les producteurs sont déjà trop nombreux. Personne ne se dit que si l’on supprimait les aides européennes pendant quelques années on y verrait plus clair…

La production de céréales présente un autre exemple amusant des problèmes que l’on rencontre en matière de prévisions agricoles. Si le paysan hongrois trouve logique que l’Union européenne lui rachète son blé lorsque les cours s’effondrent, il pense avoir été floué lorsque les cours remontent et voudrait bien qu’on le lui rende (une idée que certains politiciens n’ont pas hésité à reprendre à leur compte, un peu de démagogie ne nuisant jamais…) pour qu’il puisse le vendre de nouveau… On croit rêver !

Quant aux éleveurs de cochons, ils traversent une crise qui touche un grand nombre d’entre eux puisque depuis quelques années la production porcine a diminué de deux tiers dans le pays: 40% des éleveurs sont des petits producteurs qui devraient se recentrer sur le Mangalica bio élevé à la musique classique, façon bœuf de Kobé, s’ils veulent survivre.

La Hongrie a une chance à saisir, cette chance réside dans la qualité de la terre, propice aux cultures bios, et ses normes agricoles rigoureuses (les Hongrois n’ont-ils pas montré la plus extrême sévérité en matière d’OGM l’année dernière ?). Il faut produire moins et se concentrer sur des produits de très grande qualité. Il faudrait aussi penser à reconvertir les petits exploitants, trop nombreux et mal organisés. Les subventions européennes étaient censées servir à cela. Il ne s’agit pas de procurer un revenu annuel aux agriculteurs, mais d’avoir une agriculture compétitive, il serait temps que l’on s’y mette !

Jean Faber-Blemant

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