Investissements dans le golf en Hongrie

Investissements dans le golf en Hongrie

Coups de clubs

 

Le sport le plus affairé, l’affaire la plus sportive des pays développés : le golf. Mais en Hongrie il n’existe encore qu’à l’état embryonnaire, et risque même de ne pas remporter un énorme succès dans les temps qui viennent. Ce qui n’empêche cependant pas les promoteurs - étrangers, avant tout - d’y investir des milliards, menés par l’espoir de voir s’ épanouir ce marché dans le futur.

 

Que faut-il faire si un renard s’empare de la balle et la repose un peu plus loin ? Voici une question à laquelle un joueur de golf doit nécessairement savoir répondre. Car avant de conquérir le terrain, il faut rendre compte de connaissances théoriques et pratiques approfondies, chaque joueur est soumis à un examen comprenant également cette question. Les balles survolant le parcours à une vitesse de 100-150 kilomètres/h sont bien dangereuses, le protocole est donc sévère, et l’entretien de la pelouse est trop coûteux pour pouvoir laisser un débutant la labourer sans cesse de son club. C’est pourquoi les propriétaires de ces terrains exigent l’acquisition d’un «permis». Cependant, les Hongrois ne se bousculent pas encore à l’entrée des cours et, dans les milieux du golf, les avis sont partagés quant à l’avenir de ce sport dans le pays.

Lors d’un récent colloque de la société de conseil internationale KPMG, le pessimisme du propriétaire du Pannonia Golf & Country Club, Alois Windbrechtiger, a assurément surpris le public constitué de professionnels. «Ceci n’a rien d’extraordinaire. Le golf ne fait pas partie des sports nationaux en Hongrie, nous ne pouvons donc pas songer à ce qu’il y attire des foules», a expliqué le promoteur autrichien. Notre retard est avant tout dû au fait qu’après la Seconde Guerre mondiale, cette activité a été stigmatisée comme étant inconciliable avec la morale socialiste et, après le changement de régime, le développement des terrains de golf n’a démarré que très lentement. Au sein du bloc oriental, ce n’est qu’en Tchéquie que ce sport a pu survivre, par conséquent elle est actuellement à la tête de la région avec 68 parcours et plus de 23 000 joueurs.

 

Un sport non désirable

En quoi les Tchèques étaient-ils différents des autres membres des pays satellites, dominés par les intérêts soviétiques ? Sur le territoire de ce pays, plusieurs parcours de golf ont été établis, le premier en 1904 à Karlsbad (Karlovy Vary), période durant laquelle la Monarchie austro-hongroise existait encore. Ce choix est loin d’être incompréhensible : à l’époque, les propriétaires de terrains visaient avant tout les touristes allemands et autrichiens qui se rendaient nombreux dans les stations thermales tchèques. Durant la Seconde Guerre mondiale, la partie tchèque de la Tchécoslovaquie comptait déjà 4 ou 5 parcours. Après la prise de pouvoir communiste, bien évidemment, Prague a également condamné le golf en tant que sport «indésirable», sans pourtant réussir à l’interdire complètement. Les terrains ont été en partie nationalisés - ou cédés à certaines sociétés - et utilisés par très peu de joueurs. Avec la détente du régime, à partir des années 1970-1980, le nombre des personnes désireuses de reprendre leur club a commencé à augmenter. Basée sur cet héritage, cette activité sportive a rapidement repris des forces en République tchèque devenue entre-temps indépendante avec le changement de régime. Ce qui n’est pas le cas pour la Slovaquie, car le golf n’y avait aucun passé - tout comme en Hongrie - susceptible d’être ressuscité.

Alois Windbrechtinger voit cependant de grandes possibilités commerciales dans le golf en Hongrie : il est le propriétaire du parcours doté certainement des meilleures qualités dans le pays, près d’Alcsútdoboz , où le club est abrité par un des manoirs familiaux des Habsbourg, construit au 19e siècle. Le modèle commercial des meilleures pistes du pays mise d’ailleurs sur les joueurs étrangers. Ainsi, l’atout majeur et la principale source de revenus du parcours de Bükfürdô, inauguré en 1991, sont la présence constante des touristes dans la région. Une fois là, pourquoi ne pas s’offrir une partie de golf ?

Le club d’Alcsútdoboz table quant à lui sur les touristes en visite à Budapest et les étrangers vivant dans la capitale hongroise. Mais le pays est encore loin d’être considéré comme une cible privilégiée du tourisme du golf. Ce n’est pas, en effet, uniquement pour le golf que ces joueurs viennent en Hongrie, pour eux ce sport en plein air n’est plutôt qu’un attrait de plus. Il est donc nécessaire de trouver le moyen de séduire également les «vrais» touristes du golf.

 

Golf virulent

«Quand, au début des années 70, j’ai joué au golf pour la première fois au Portugal, il n’y avait qu’un seul parcours, le deuxième était en construction. Aujourd’hui, il y en a des centaines et on ne cesse toujours pas d’en construire», explique Christy O’Connor, joueur professionnel irlandais très reconnu et concepteur du parcours près de Bicske qui ouvrira l’année prochaine. Le parallèle est d’autant plus approprié que les Portugais ne sont toujours pas de grands joueurs, mais ils récoltent des sommes considérables grâce aux touristes qui affluent dans le pays pour le golf. Il y a 25 ans, la Suède non plus n’était pas cotée dans le monde du golf, aujourd’hui il y a 430 parcours dans le pays. Il est vrai que les Suédois ont entre-temps attrapé le virus du golf : sur les 9 millions d’habitants plus de 500 000 pratiquent ce sport. Et non seulement les Suédois aiment bien chasser la petite balle - et dépenser leur argent - sur les parcours locaux, mais aussi dans les pays chauds et ensoleillés de la Méditerranée.

Avant la Hongrie, c’est donc plutôt le chemin portugais qui s’ouvre. Car les sondages ont démontré clairement que dans les pays ayant un pouvoir d’achat moins important ce jeu ne pourra pas vraiment gagner du terrain. Ce qui est également soutenu par l’opinion publique selon laquelle le golf est un sport coûteux, même d’élite, et que seuls les riches peuvent se permettre de le pratiquer. Dans le cas de notre pays, cette affirmation n’est pas vraiment exagérée, mais la situation est en train de changer. Car, dans ce domaine, des développements se sont entamés dans plusieurs directions à l’échelle mondiale. La première est concentrée sur la construction de parcours d’excellente qualité, de 18 étapes ou plus, et sur les frais d’adhésion très élevés; la seconde vise plutôt l’établissement de terrains plus modestes et moins chers ou de parcours d’entraînement. Dans un pays ayant une culture du golf très développée il y a beaucoup de terrains d’entraînement qui fonctionnent à des frais relativement bas et peuvent être aménagés même à l’intérieur d’une ville. C’est-à-dire qu’ils sont accessibles à un public amateur constitué de futurs joueurs potentiels, mais ouverts aussi aux golfeurs pratiquants qui peuvent s’y rendre régulièrement pour y passer quelques heures à envoyer quelques paniers de balles ou pour faire des exercices techniques autour des trous, bref, pour s’entraîner. Un amateur enthousiaste se déplace au maximum 3 ou 4 fois par mois à la campagne pour vraiment «jouer» sur un parcours plus grand et plus cher et, en même temps, il a le sentiment de faire une excursion du dimanche, une promenade sportive dans la nature.

Après le changement de régime, du point de vue de l’industrie du golf, la Hongrie était une terre vierge, il est donc tout à fait logique que les premiers projets de développement aient ciblé les couches sociales plus aisées et les touristes occidentaux. Un parcours standard demande un investissement financier beaucoup plus important qu’un petit «terrain de frappe» urbain, mais ce premier produit en même temps beaucoup plus de bénéfices et attire un public plus ou moins permanent. Cependant, le marché s’ouvre progressivement sur les terrains moins chers et les couches moins aisées. Un nouvel établissement relativement peu cher vient d’ouvrir il y a quelques semaines, par exemple, à Nagytétény, avec un parcours de 9 trous et plusieurs pistes d’entraînement. Le jour de l’ouverture, le parking du club s’est rempli de Lexus, de Jaguars et de Volvos, ce qui n’empêche pas les propriétaires d’espérer qu’à l’avenir, le public deviendra un peu plus varié.

 

Parties de Business.

En Amérique et en Europe occidentale, il n’y a pas de golf sans business, et inversement. Aux Etats-Unis, une personne sur dix pratique ce sport, et celui qui veut se débrouiller dans le milieu des affaires doit obligatoirement apprendre à tenir un club comme il faut. Pour un manager influent, jouer au golf fait partie de son ordre du jour, il croise ses partenaires sur le parcours, et les plus grandes affaires sont souvent conclues dans les locaux du club. Le succès du golf dans les milieux de l’entreprise peut également s’expliquer par le fait que ce sport porte en soi la promesse d’excellentes relations. Une équipe (flight) est constituée de quatre personnes au maximum, les équipes peuvent se suivre toutes les dix minutes, les dates et les heures doivent toujours être réservées d’avance. Selon les règles, tant que l’équipe ne dépasse pas le nombre de 4, les joueurs n’ont pas le droit de refuser de jouer avec ceux qui ont réservé la même heure.C’est-à-dire qu’au cas où deux couples de managers qui ne se connaissaient pas jusque-là se trouvent ainsi dans la même équipe, après 4-5 heures passées ensemble à se promener, jouer et discuter (les téléphones portables sont obligatoirement éteints), à la fin, ils échangent inévitablement leurs cartes de visite. Pour ce même motif, selon certains cancans malveillants, le golf est le paradis des cœurs solitaires, surtout avec l’aide du personnel d’accueil qui s’occupe des «coïncidences» dans les horaires pour que les belles femmes se trouvent, «par hasard», dans une équipe d’hommes…

Selon les managers hongrois interrogés, en Hongrie, la prise de contact est rare sur les terrains, car le nombre de golfeurs reste peu élevé. L’élite hongroise conclut plutôt ses affaires lors des parties de chasse. Il y a cependant des exceptions. Attila Vass, directeur de l’usine d’aspirateurs, la S.A.R.L. Electrolux Lehel, s’est retrouvé une fois dans la même équipe que le directeur d’une entreprise s’occupant de la coloration des matières polyvinyliques. «Le lendemain, j’ai attiré l’attention de notre directeur commercial sur cette entreprise prometteuse, et peu après nous avons même signé un contrat avec elle», explique ce membre du club de golf Pólus Palace de Felsôgöd. András Sugár, ancien PDG de T-Mobile, président de l’Association Hongroise du Golf pense également qu’aujourd’hui les liens entre le golf et le monde des affaires sont plutôt ad hoc en Hongrie. «Dans ce sport, tout comme dans le tennis, il y a un groupe d’amis assez particulier, et c’est avant tout à cause de cette amitié et non pas à cause des affaires que nous nous retrouvons sur le terrain. En même temps, après le jeu, on parle bien sûr de business en sirotant nos bières dans les locaux du club», reconnaît-il.

Il semble qu’actuellement il vaille mieux construire des parcours de golf que d’aller jouer. En Hongrie il n’y a que 6 terrains à 18 trous qui répondent aux exigences internationales, mais il y en a une douzaine d’autres qui sont déjà en construction ou dans la dernière phase des travaux de conception, sans parler de ceux qui comptent moins d’étapes ou servent de terrains d’entraînement. Ce phénomène prouve que les promoteurs s’attendent à l’épanouissement de cette activité en Hongrie, partant du simple fait qu’à long terme la proportion des amateurs de ce jeu et du tourisme du golf ne pourra pas rester aussi modeste dans un pays membre de l’UE. De plus, selon un sondage réalisé par KPMG, l’établissement d’un parcours de golf coûte à peu près moitié moins cher en Europe orientale qu’en Occident, mais les frais d’utilisation et d’adhésion - et donc les recettes - y sont tout aussi ou même plus importants.

La Hongrie ne manque donc pas de promoteurs malgré les frais de construction qui peuvent atteindre plusieurs dizaines, même plusieurs centaines de millions de forints. Car, un parcours de golf s’étend sur une superficie assez considérable, une centaine d’hectares dans le cas optimal, et même s’il est au fin fond du pays, son accessibilité reste un aspect non négligeable lors de sa construction. Plus le concepteur est reconnu, plus le parcours est attirant pour les joueurs - ce qui élève en même temps les frais de location. A l’aménagement du terrain, déjà assez coûteux en soi, s’ajoute encore la plantation d’un gazon d’excellente qualité sur une dizaine de kilomètres carrés. Et il ne faut pas non plus oublier le bâtiment du club, avec un restaurant, dans la mesure du possible. Faute d’un hôtel élégant dans les environs, il faut également penser à en construire un, car les golfeurs ne sont pas du genre à pratiquer le camping sauvage au milieu de la pelouse.

Les frais d’entretiens sont également assez élevés. La pelouse est soignée avec des machines spéciales, et le prix de l’eau atteint des sommets. Sur un parcours de golf moyen, 20-25 employés s’occupent exclusivement des travaux d’entretien. Leur équipe est dirigée par un spécialiste , très bien payé, de ce fait : le «greenkeeper». Un bon greenkeeper est en soi la garantie de la bonne qualité du gazon, ce qui est absolument indispensable, car les golfeurs qualifient facilement et avec dédain les étapes où le gazon n’est pas de qualité supérieure, de pâturage pour les oies. Autour des trous, par exemple, la hauteur du gazon ne peut pas dépasser les 3-4 centimètres, ces parties sont tondues chaque jour et doivent rester dans un excellent état indépendamment du nombre de personnes qui les piétinent.

 

Décuplement du prix de l’immobilier.

Somme toute, un tel investissement ne se rembourse qu’en une dizaine d’années ou, dans le cas des parcours les plus sérieux, même plus. Actuellement, les risques sont relativement importants, ce n’est donc pas par hasard qu’Alois Windbrechtinger ne cesse de souligner que pour l’établissement du terrain d’Alcsútdoboz il n’a contracté aucun crédit, en voulant suggérer par ce fait que les parcours dont les propriétaires ont des créances à payer peuvent facilement se voir dans une situation délicate dès qu’une saison touristique ne répond pas à leurs attentes.

Toutefois, la pratique du golf peut créer de nouvelles opportunités pour le marché de l’immobilier local, actuellement à bout de souffle. En Hongrie, on a tendance à reconnaître le moyen de décupler le prix du mètre carré dans les régions plutôt abandonnées : les villas doivent être construites à proximité d’un terrain de golf. A l’heure actuelle, quatre projets sont en cours : à Csákberény avec une participation suédoise, près de Sávoly avec une participation espagnole, à Zalacsány avec une participation irlandaise et à Bicske avec une participation israélienne, chacun de ces investissements atteignant les 10-20 milliards de forints. L’acquisition des terrains est relativement facile, à un prix élevé et les municipalités cèdent volontiers une partie de leurs terres situées au milieu de la prairie aux entrepreneurs désireux d’y construire des parcs d’habitation de luxe et des parcours de golf. Elles espèrent que la présence de ces nouveaux locataires riches va favoriser le tourisme local. Dans ces parcs d’habitations isolés et fermés, comptant environ un millier d’habitants - qui constituent pratiquement des villages en soi - les propriétaires sont prêts à payer de 30 à 40 millions de forints pour posséder leur propre piscine, à la sortie de laquelle ils se trouvent immédiatement dans leur propre club de golf.

Club dans lequel, au cas où un renard s’emparerait de leur balle et la reposerait un peu plus loin, ils sauraient très pertinemment comment procéder : la frappe n’est pas validée, et la balle doit être de nouveau envoyée, sans aucune pénalisation, de son emplacement originel.

Zoltán Torontáli

Traduit par Zsófi Molnár

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