« Images des chemins intérieurs »

« Images des chemins intérieurs »

Peintures et sculptures d’Anna Stein à la Galerie Abigail

Une grande rétrospective des œuvres d’Anna Stein vient d’être inaugurée à  Budapest  et une monographie dédiée à l’artiste vient de paraître. L’auteur du livre Vali Fekete présente le parcours d’Anna Stein, Hongroise parisienne  – un texte passionnant avec de belles illustrations.

 

 

Nous avons rencontré l’artiste à la Galerie où François Laquièze, directeur de l’Institut Français a ouvert l’exposition.

François Laquièze a rendu hommage à Anna Stein, à cette grande artiste dont la vie et l’œuvre constituent un pont entre deux pays. L’originalité de cette œuvre est frappante à travers  la diversité des formes d’expressions, à commencer par l’abstraction lyrique et le constructivisme, sans jamais appartenir à une école. Elle a été précurseur du courant de la « mythologie individuelle » de l’art contemporain au sein duquel l’artiste crée son univers personnel par des éléments et symboles à l’instar des les journaux intimes de Sophie Calle ou les installations de Christian Boltanski.  La vie d’Anna Stein, l’exploitation de son destin est devenue la matière même de son œuvre. C’est ainsi qu’il évoque les persécutions de l’année 1944 dans une ville ensanglantée par son monument L’interpellant qui renvoie le spectateur au plus profond de lui-même.

Anna Stein évoque ce monument qu’elle a offert à la ville de Budapest, une œuvre en céramique qui fut inauguré en 1990. Comme une pierre tombale au bord du Danube, devant Szent István park, puisque c’est là tout au long du Danube que les massacres ont eu lieu. Elle dédie ce monument aux victimes des nazis hongrois, en grande majorité d’origine juive, emmenées des immeubles avoisinants le Ghetto – mais elle dédie son Interpellant aux victimes, toutes religions confondues, aux résistants et aux fugitifs qui n’ont pas voulu participer à cette guerre.

On retrouve l’image du monument dans des quotidiens et des revues d’art ainsi que  dans la monographie écrite par Vali Fekete (Images des chemins intérieurs de Vali Fekete. Éd. L'Harmattan, Paris) qui relate d’une part la biographie artistique d’Anna Stein, en mettant en ce parcours en contexte par rapport aux évolutions de l’art contemporain avec une attention particulière portée à sa vision personnelle de l’art sur les plans psychologiques et artistiques et avec une analyse très pertinente des œuvres de ses différentes périodes.

Anna a quitté Budapest en 1956, et ses premières toiles exposées datent de 1957. A Paris elle a fréquenté les Beaux-Arts et elle a découvert un foisonnement incroyable dans les musées et les galeries. Dans son travail pictural, c’est d’abord des intérieurs de machines dont elle s’est inspirée, on remarquera son tableau constructiviste représentant une centrale atomique et plus loin des machines agricoles : les gouaches – avec une anatomie réinventée des machines. Anna vient d’une famille d’ingénieurs – les machines étaient quasiment mythiques dans son entourage. Son départ pour la campagne, dans la région de la Beauce où elle a vécu avec son premier mari sculpteur hongrois a représenté pour elle une errance. Il y eût du bonheur d’abord, mais aussi de grandes difficultés qui s’expriment dans ses tableaux des années 70 beaucoup plus sombres où l’on perçoit un certain retour sur soi, la recherche d’un équilibre qui nous conduit au tableau : Point zéro. Après, on ressent un nouveau départ – dont témoignent ses œuvres dans une autre salle à l’étage supérieure de la galerie.

Après des années difficiles de transition l’artiste a refait sa vie à Paris avec son deuxième mari sociologue d’origine algérienne. Elle s’est imprégnée de nouvelles impressions, de voyages vers des terres lointaines comme l’Inde mais  aussi du baroque de Venise qui ont enrichi sa palette. « A partir de l’année 74 toutes les couleurs vénitiennes sont entrées dans mes tableaux. Des compositions ont changé, pour devenir plus diagonales, plus dynamiques, et avec une gamme de couleurs plus large. J’ai eu beaucoup de succès avec mes nouvelles toiles » – nous  confie-t-elle.

« Puissance de tes statuts

Flamboyance de ta statuaire

 

Fantômes baroques

qui tourbillonnent

en des remous

dans une cavalcade de couleurs...

 

Eszter Forrai songe aux œuvres de cette époque dans son poème dédié à Anna Stein. Car Anna Stein est venue à la sculpture dans les années 80 : Le guerrier en marche s’inspire de l’Antiquité mais dans une traduction contemporaine.  L’ancêtre prend pour modèle son aïeul. La filiation devient un sujet important dans son art avec le passé riche des pères fondateurs, des industriels et des artistes de sa famille. A part les sculptures en bronze et en plâtre l’artiste recourt souvent aux mélanges de matériaux, comme le bronze avec le granit rouge ou bien le verre avec le bronze.

 

Abigail Galéria, 1052 Budapest, Váci utca 19-21 jusqu’au 21 février 2013,

Du lundi au vendredi de 11h à 18h, samedi de 10 à 14h

Éva Vámos

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