Ici ou ailleurs ?
Est-il toujours intéressant de s’implanter en Hongrie ? Si la plupart des grandes sociétés déjà implantées ne semblent pas regretter leur choix, tout en espérant certains changements, d’autres estiment que ce choix n’est pas meilleur que d’autres. Qu’en est-il exactement ?
Tout est relatif mais certains avantages subsistent
Les motivations les plus diverses peuvent être à la base d’une implantation en Hongrie. Selon la taille de l’entreprise, la fonction de l’unité implantée et la période observée, les motivations varient des plus rationnelles aux plus hasardeuses. Il faut bien constater que près de vingt ans après le changement de régime et malgré l’entrée dans l’Union européenne, les Hongrois semblent incapables de se débarrasser de leurs mauvaises habitudes et donc de leurs problèmes structurels. Les investisseurs sont donc devenus frileux.
Il ne s’agit plus aujourd’hui d’être présent sur un nouveau marché ou de racheter à bon prix des structures existantes. Certaines caractéristiques subsistent cependant :
- Une position géographique centrale : il est indéniable que la Hongrie occupe une position idéale pour certaines plates-formes logistiques, pour la production de proximité et pour l’accès à des marchés situés plus à l’est.
- Un réseau de communication performant : lorsque Mercedes décida l’implantation d’une usine à Kecskemét, il y a quelques mois, l’ancien ministre de l’économie, M. János Kóka, qui avait été en charge du dossier, a affirmé que le site hongrois avait été choisi (de préférence à un site polonais et à un site roumain) du fait de l’excellente connexion du site avec le réseau autoroutier (et non, comme l’affirmait les mauvaises langues, parce que la Hongrie avait proposé le “package” le plus attractif...). De fait, la Hongrie modernise ses réseaux et, bien que certains tronçons se fassent particulièrement attendre, les choses évoluent dans le bon sens. Les réseaux de télécommunication sont de plus en plus satisfaisants et si les projets concernant la modernisation de l’aéroport Ferihegy sont menés à terme (ce dont nul ne doute) le pays disposera réellement des infrastructures adéquates.
- Une main-d’oeuvre qualifiée : bien qu’il faille nuancer ce propos en ce qui concerne certaines formations (les diplômés en langues étrangères en particulier sont de moins en moins performants, ce qui n’est sûrement pas sans relation avec les salaires pratiqués dans l’enseignement) et bien comprendre que le rapport à l’entreprise n’est toujours pas le même que dans les pays qui n’ont pas connu le communisme, le rapport qualité/coût est satisfaisant. Suffisamment satisfaisant pour que de grandes entreprises internationales comme ExxonMobil, GE ou Cemex aient délocalisé une partie de leurs services comptable et clientèle en Hongrie. L’environnement est particulièrement favorable pour la R&D puisque l’Etat hongrois soutient la collaboration entre les universités et les entreprises et a fait sienne les conclusions énoncées à Lisbonne. C’est dans les sciences, les technologies et le savoir que la Hongrie pourra trouver ses plus-values.
Une situation difficile.
- Il est certain que le coût de la main-d’oeuvre est beaucoup plus élevé en Hongrie qu’en Chine, à une époque où certains songent déjà à délocaliser de Chine vers le Vietnam. Il est aussi certain que le système fiscal hongrois est très mal organisé, que la pression fiscale sera de plus en plus forte et que les réglementations européennes limitent les exemptions et autres incitations qui ont fait le bonheur d’entreprises comme Audi.
Ce package qui accompagne toute négociation de nouvelle implantation importante est limité (on parle de 147 millions d’euros sur un total de 800 millions pour l’usine Mercedes de Kecskemét) et les populations locales résistent parfois à l’implantation d’une usine (de pneumatiques, à Gyöngyös, par exemple) à côté de chez elles (on se demande bien pourquoi...).
Ainsi, avant Mercedes, la dernière grosse implantation avait été celle d’Hankook (qui, tout comme Apollo Tyres, fabrique des pneumatiques) à qui de nombreuses subventions avaient été promises en 2005. Certaines ont été versées en 2006 mais un versement de 140 millions de HUF a été suspendu en 2007 du fait des nombreuses irrégularités commises par la société sud-coréenne (malgré une amende de 24 millions de HUF en guise d’avertissement en 2006). Du coup, aujourd’hui, investisseurs, populations et autorités locales sont plus prudents...
De fait, les IDE sont appelées à diminuer et l’avenir économique du pays dépend maintenant de sa capacité à séduire les PME. Séduire les PME passerait par une réforme fiscale d’envergure, une lutte efficace contre la corruption et le clientélisme, une simplification des procédures administratives, ce qui nécessiterait la collaboration de l’ensemble des partis politiques... en résumé, une révolution que l’on attend depuis vingt ans.
Xavier Glangeaud