Hongrie : quand la musique reprend ses droits
D´aucuns font remonter l’histoire des festivals de musique en France au début du dix-neuvième siècle. A vrai dire, il s’agissait plutôt de fêtes populaires, sans grand rapport avec les festivals tels que nous les connaissons aujourd´hui. C´est au cours de la seconde moitié du XIXème qu´apparurent en France et en Allemagne les premières manifestations musicales organisées en festivals avec le soutien de mécènes. Le premier en date est constitué par les Chorégies d´Orange qui fêtaient l´année dernière leur 150ème anniversaire (1869). Suivies de Bayreuth, institué par Wagner en 1878. Encore que, produisant les œuvres d´un même compositeur, on ne puisse vraiment parler de festival (repris après sa mort par Cosima et leur fils Siegfried). Pour la suite, il faut remonter à l´entre-deux-guerres avec Salzbourg (1920) et Glyndebourne (1934) pour ne retenir que les plus connus.
Il faudra attendre l´après-guerre, tout d´abord avec le Festival d´Art lyrique d´Aix-en-Provence, spécialisé dans le répertoire de l´opéra (1948). Suivi du festival de San Remo fondé en 1951 sous le signe de la paix et de la réconciliation. Il faudra encore attendre dix bonnes années pour que se propage la mode dans les années soixante, notamment en France. Parmi les plus réputés, nous citerons la Grange du Meslay (1964) et la Chaise-Dieu (1966). Manifestations souvent spécialisées dans un genre donné, tel le piano pour le fameux festival de la Roque d´Anthéron, fondé en 1980. Ou encore la musique baroque avec le festival du Marais dont les premiers concerts remontent à 1962. A noter également le festival de Prades fondé en 1950 par Pablo Casals (au départ consacré à Bach pour le bicentenaire de sa mort).
Mais c´est surtout sur la fin des années quatre-vingts que se multiplièrent les festivals, un peu partout en Europe, surtout en France (plus tard en Hongrie). La France où on les vit pousser comme champignons après la pluie, de façon presque excessive. De nombreuses communes souhaitant avoir le leur. Parfois agrémentés de loisirs et petites animations liées à l´environnement rural (1). Sans parler du reste (rassemblements de musiques traditionnelles ou de musique pop). Qu´en est-il aujourd´hui ?
Comme l´on s´en doute, la pandémie a donné un coup d´arrêt brutal à l´épanouissement de ces manifestations. Malgré tout, la grande peur passée, on voit peu à peu certains festivals reprendre timidement vie, surtout en Hongrie (2). Tout en respectant à la lettre les mesures de sécurité sanitaire (nombre limité de participants). Si nous ne pouvons citer ici la bonne dizaine de manifestations qui vont essaimer la province hongroise, sans oublier Budapest (représentations en plein air à l´île Marguerite (3)), nous en retiendrons deux qui semblent constituer des exemples éloquents et peu connus du grand public.
Tout d’abord le Festival Auer qui se tiendra du 13 au 16 août dans la ville de Veszprém. Du nom de Leopold (Lipót) Auer, violoniste et chef d´orchestre hongrois, natif de Veszprém qui eut jadis son heure de gloire (1845-1930). Située dans l´arrière-pays du Balaton, Veszprém est une des plus anciennes villes et l´un des plus anciens évêchés du pays. Siège de la Reine dès les premiers temps du Royaume, Veszprém est riche en monuments, occupant par ailleurs un site charmant, perchée sur un rocher dominant un cours d´eau. Manifestation nous offrant un programme varié, de la musique de chambre à la musique chorale, une place privilégiée étant donnée à Beethoven (trios, sonate à Kreutzer, concerto de violon), bicentcinquantenaire oblige et Mendelssohn, dont l´orchestre de chambre de la ville porte le nom. A noter entre autres la présence de la soprano Erika Miklósa dans un récital intitulé „du baroque à Mozart” consacré à Vivaldi, Bach, Haendel et Mozart. Un programme séduisant, donc, sans compter l´attrait les sites (palais, basilique, esplanade).
Autre manifestation que nous avons à cœur d´évoquer, le Festivál de Zemplén dont la 29ème édition se tiendra du 14 au 23 août. Le Zemplén est un petit massif montagneux situé dans l´extrême Nord Est du pays. A ses pieds se trouvent notamment la ville de Sárospatak, visitée pour sa belle forteresse, et surtout la région des vignobles de Tokaj. Un festival particulièrement riche et varié, offrant une vingtaine de concerts consacrés tant au répertoire classique qu´au jazz. De plus, agrémenté d´expositions et manifestations diverses (journée pour enfants, présentations gastronomiques) réparties sur les différents sites de la région. Sans oublier l´incontournable visite des vignobles et dégustation de vins de tokay (tokaji bor). Il nous est malheureusement impossible de citer toutes les œuvres inscrites au programme. Mentionnant toutefois, pour donner un avant-goût : le concert d´ouverture consacré à Beethoven (ouverture d´Egmont, 3ème concerto) et Dvořák (8ème symphonie) et la soirée de clôture consacrée à une représentation de Don Juan. Et entre les deux ? Quatuors, trios, ensemble de vents, duo de harpes, guitare, transcriptions de Bach au cymbalum, concert consacré aux classiques viennois (Haydn, Mozart Beethoven) par l´orchestre de chambre Franz Liszt, récitals de piano (Mozart, Beethoven, Schumann, Bartók), etc. Et tout autant pour le jazz…. Un programme, comme on voit, effectivement riche et varié qui appelle au passage un coup de chapeau aux organisateurs.
Nous venons de citer deux festivals parmi ceux qui essaiment le pays. Mais qui suffiront, je pense, à donner une idée du renouveau que connaît actuellement le milieu de la musique en Hongrie. Sans compter avec la reprise annoncée pour septembre des concerts traditionnels sur la place de Budapest. Pourvu que rien ne vienne d´ici-là compromettre nos projets et gâcher notre plaisir.
Mais ne soyons donc pas pessimistes et préparons-nous déjà à une belle rentrée qui, comme les années précédentes, nous comblera sans nul doute.
(1): sans oublier le fameux pique-nique qui se tient entre les représentations à Glyndebourne, très „british”, entre nous un peu snob…
(2): En France, les statistiques en donnent une moitié (une dizaine) d´annulés (La Chaise-Dieu) contre une autre moitié en reprise (La Roque d´Anthéron).
(3): avec entre autres une représentation du Barbier de Séville les 7 et 9 août.
- 6 vues