Hongrie 2014
La situation économique de la Hongrie suscite de nombreuses interrogations tant les indicateurs macroéconomiques et les signaux envoyés par le gouvernement aux investisseurs sont contradictoires. Pour faire la part des choses le JFB a rencontré József Péter Martin, économiste et journaliste qui fut pendant six ans rédacteur en chef du prestigieux magazine économique Figyelő et qui a été récemment nommé directeur général de Transparency International Hongrie dont il avait déjà été, pendant 3 ans, membre du directoire. Une interview réalisée avant cette nomination.
Quelle est la situation de la Hongrie du point de vue des subventions et du budget européen ?
Il est encore trop tôt pour mesurer quel pourcentage d’aides européennes aura effectivement été utilisé en 2013 car certains contrats ne donneront lieu à un versement effectif qu’en 2015. Pour les sept dernières années, la Hongrie a reçu environ 7000 milliards de forints de fonds européens, c’est beaucoup si l’on compte que 97 % des investissements publics se réalisent à travers des fonds européens. D’un autre côté, il est clair que les problèmes de l’économie hongroise ne peuvent être résolus avec la seule aide des fonds européens. Le gouvernement estime que le pays recevra environ 750 milliards de forints pour 2013. Globalement ces fonds représentent environ 3 % du PIB du pays. Le pays connaît trop de problèmes structuraux importants et souffre de la détérioration du climat d’investissement.
Comment jugez-vous l’état de la démocratie en Hongrie ?
La Hongrie est une démocratie dans le sens où nous ne vivons pas dans un pays comparable à la Corée du Nord, à Cuba ou à d’autres pays de ce type. Je dirais que nous vivons dans une démocratie a minima. Il y a une tendance plus qu’inquiétante, illustrée, par exemple, par la disparition progressive des contre-pouvoirs, par les nominations de personnes proches du gouvernement au sein des institutions de contrôle et du fait des réformes qui ont réduit les pouvoirs de la Cour constitutionnelle. J’ai vécu presque les vingt premières années de ma vie dans une dictature et je peux mesurer la différence. On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas de liberté de la presse mais il y a quand même une frontière entre les médias publics et privés. En ce qui concerne les médias publics et MTI (NDLR : l’Agence de presse hongroise), l’influence du gouvernement est perceptible. Même si les médias publics ont toujours connu une certaine forme d’interventionnisme de la part des gouvernements successifs, la situation actuelle est inédite. Jamais la pression et le contrôle n’ont été aussi forts. En ce qui concerne les médias privés, par exemple, les sites d’information Origo et Index dont l’audience et les revenus sont les plus importants dans la presse écrite et Internet, on ne peut pas dire qu’il existe un contrôle du gouvernement.
Comment voyez-vous la situation économique à moyen terme ?
Le taux d’investissements en Hongrie est un des plus bas de la région, c’est à la fois le symptôme des problèmes économiques actuels et une barrière à un futur développement. Entre 2002 et la dernière année avant la crise, 2008, la dette a augmenté d’environ 40 %, après l’éruption de la crise, elle a augmenté jusqu’à 82 % du PIB, et ce fardeau pèse lourdement sur l’économie. Le manque de prévisibilité de la politique économique du gouvernement actuel, les manquements aux principes de l’Etat de droit ne laissent pas présager un retour rapide des investissements. Il faut reconnaître que le gouvernement actuel a réalisé de gros efforts du point de vue de la réduction du déficit budgétaire, efforts qui ont permis de quitter récemment l’EDP (excessive deficit procedure) de l’UE. Il faut aussi mentionner que contrairement à beaucoup de pays de la zone euro, en Hongrie, la balance des paiements courants (current account balance) est positive depuis trois ans. Mais, d’autre part, le gouvernement prend des mesures isolées, au coup par coup et hors de toute théorie économique et pratique internationale, sans tenir compte du fait que l’économie est un système complexe et qu’une décision en influence plusieurs autres. Pour moi, il est évident qu’on ne peut avoir une croissance soutenue sans avoir des institutions stables et transparentes en économie comme en politique. Dans la situation actuelle la Hongrie a fait baisser le déficit budgétaire mais au risque de perdre son potentiel de croissance.
Xavier Glangeaud