Hommage à une grande dame : Alaine Polcz
(7 octobre 1922- 20 septembre 2007)
Femme de l’écrivain Miklós Mészöly, psychologue, écrivain, Alaine Polcz était avant tout une femme de cœur exceptionnelle. Elle est l’initiatrice de la Fondation de l’Hospice Hongrois, lieu d’accueil et de soins palliatifs délivrés aux malades du cancer en phase terminale. Nombre de ses livres traitent avec lucidité du sujet, souvent tabou dans nos sociétés, de la mort. A Budapest, la Maison Kogart présente jusqu’au 31 décembre la collection de peintures du couple disparu pour lui rendre hommage.
«Que peut-on donner à une
personne en train de mourir
la dernière demi-heure de sa vie ? La conviction qu’elle n’est pas seule.»
Mère Teresa de Calcutta
Très tôt, Alaine Polcz est confrontée à la mort. Durant ses études, alors qu’elle est en stage, elle assiste à la mort d’un garçon. Cette expérience, plutôt que de la traumatiser, va l’amener à écouter véritablement les patients incurables et à éprouver auprès d’eux des sentiments non de tristesse ou d’anxiété mais de joie. Elle décrit ainsi sa première expérience : «J’entre dans la chambre à une heure calme du jour. Un garçon est allongé nu sur un matelas. Au début, je n’ose pas le regarder. Je regarde par la fenêtre ce jour d’été. Quand enfin je le regarde, une lumière, un sentiment flottent jusqu'à moi. Il n’y a pas d’explication rationnelle, mais un sentiment de joie. Le garçon est mort et a été délivré de ses souffrances (…) Cela m’a procuré un sentiment de joie de vivre.» (1989) Alaine Polcz nous fait comprendre combien les derniers moments de la vie sont précieux aussi bien pour celui qui la quitte que pour celui qui accompagne le mourant. La Fondation qu’elle crée en 1991 se veut un lieu qui réponde non seulement aux besoins physiques des malades, mais surtout qui apportent un soutien psychologique, social et spirituel. Un soutien est aussi apporté aux familles. Dans cet Hospice, qui est devenu en une dizaine d’années partie intégrante du système de santé, mais qui a besoin d’aides financières, la vie n’est ni abrégée, ni artificiellement prolongée. L’attention affective a toute sa place dans cette dernière partie de la vie. La dignité du malade est respectée jusqu'à la fin : les malades sont informés de leur maladie, de son évolution, des traitements qui lui sont donnés et des effets secondaires. En toute honnêteté. Les soins sont administrés par une équipe qualifiée, composée de médecins spécialistes des soins palliatifs, d’infirmières, de psychologues, d’assistants sociaux, de psychothérapeutes, et de volontaires. Lorsque le patient décide de terminer ses jours à la maison, l’hospice reste en étroite relation avec le patient et la famille. L’hospice «rend la mort plus humaine» écrit Marie de Hennezel (La mort intime). Alaine Polcz est donc celle qui a introduit les soins palliatifs en Hongrie et qui a fait prendre conscience à quel point le fait d’être aux côtés d’un mourant était à la fois un privilège et une responsabilité. Les soins palliatifs ont ainsi été définis en 2002 par l’Organisation Mondiale de la Santé comme des soins qui : «cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés.»
Une collection à l’image du couple
Evoquer Alaine Polcz, c’est inévitablement évoquer un groupe d’artistes, et en particulier son mari, Miklós Mészöly, auteur et intellectuel important dans la littérature hongroise avec des œuvres comme Mort d’un athlète ou Variations désenchantées. Ainsi, la collection du couple acquise en mai 2007 par la Fondation d’art Gábor Kovács témoigne aussi bien de l’histoire littéraire hongroise que d’amitiés entretenues entre les artistes. Elle est en grande partie constituée de cadeaux d’amis artistes. On peut donc voir au Kogart une série d’icônes sur verre représentatives de l’école d’Alsóárpás que Miklós Mészöly a recueillies durant ses séjours en Transylvanie, de nombreuses œuvres très expressives de Vajda Júlia, amie intime d’Alaine Polcz, un très bel autoportrait à la pastel de Vajda Lajos, peintre essentiel dans l’art moderne hongrois, plusieurs monotypes d’Endre Bálint, grand ami de Mészöly à qui il demandait d’ouvrir ses expositions. Il y a aussi une série de tableaux provenant d’une génération plus jeune. Citons Szabados Árpád, György Jovanovics, Ferenc Maurits et Sváby Lajos. Il y a aussi un «Double portrait», représentant de manière originale le couple dans les années 60, de Ildikó Kovács. Contempler ces tableaux c’est presque entretenir une conversation secrète avec leurs possesseurs, et en particulier Alaine Polcz à qui l’on avait promis d’exposer ces œuvres et que j’avais l’intention de rencontrer…
Milena Le Comte Popovic
Alaine Polcz a publié de nombreux ouvrages de psychologie, mais le seul récit traduit en francais par Sophie Kepes est Une femme sur le front (1995), document autobiographique qui retrace ses expériences douloureuses en 1944 et 45, et qui a connu un très grand succès en Hongrie lors de sa parution en 1991.
Kogart Ház H-1062 Budapest, Andrássy út 112
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