HISTOIRE: Plainte contre MÁV
Un collectif de 95 survivants et descendants de victimes de l’holocauste a porté plainte contre la société hongroise des chemins de fer MÁV, le 9 février, à Chicago. A travers cette initiative, ils accusent l’entreprise d’avoir «fourni, en connaissance de cause, des trains destinés à déporter 437.000 juifs vers le camp de concentration nazi d'Auschwitz». Ils supposent également que les employés de MÁV ont spolié les déportés. Ainsi ont-ils réclamé une indemnité de 1,24 milliards de dollars à la société hongroise. La compagnie hongroise a indiqué qu'elle préciserait sa position en accord avec les autorités hongroises après avoir obtenu officiellement le texte de la plainte déposé auprès des tribunaux américains.
Cependant plusieurs historiens hongrois contestent déjà l’argumentation de la requête et la responsabilité de MÁV. Selon certains d’entre eux, notamment László Csősz, du Centre commémoratif de l'holocauste, la compagnie ferroviaire n’a eu qu’un rôle marginal dans l’engrenage de la déportation. Les dirigeants de l’entreprise, en propriété publique, ont agi selon les instructions de leurs supérieurs. C’est en effet le secrétaire d’État du ministre des affaires intérieures, László Endre – un théoricien antisémite célèbre à l’époque – qui a élaboré la méthode de déportation des juifs et des Rroms puis qui a étroitement veillé à son “bon” déroulement.
Les plaignants, résidant majoritairement aux États-Unis et en Israël, affirment qu’une enquête de 9 ans a précédé le dépôt de cette plainte. L’acte d’accusation – qui ne comprend que 16 pages –, se basant sur la mémoire des survivants, contient tout de même plusieurs erreurs. Par exemple, comme le rapporte le dirigeant du bureau central pour l'émigration juive, Adolf Eichmann y est mentionné comme étant le secrétaire d’Hitler.
Malgré ces erreurs, il serait naïf de déclarer que les employés de la société ne se doutaient pas de la destination des wagons. Et, si les documents officiels semblent certifier que les cheminots ne portaient pas d’armes et qu’ils ne volaient pas les personnes prenant place dans ces wagons, ces derniers ont en revanche parfois demandé une fortune aux personnes convoyées en échange d’une simple bouteille d’eau. En outre, ces transferts n’auraient sans doute pas été réalisés de manière aussi efficace sans la participation active des chemins de fer hongrois. Au cours de cette déportation massive, la plus rapide de l’histoire de holocauste, plus de 400.000 juifs hongrois ont été envoyés vers les camps dans 147 trains en seulement 56 jours, entre mai et juillet 1944.
Cependant l’État hongrois a déjà reconnu sa culpabilité en la matière. La majorité des responsables, entre autres les dirigeants du gouvernement de Sztójay Döme, ont été exécuté après guerre et les victimes ont été indemnisées après le changement de régime. Lors d’un procès similaire intenté contre la SNCF en 2007, sa condamnation avait été annulée par la cour administrative de Bordeaux qui avait alors indiqué que la SNCF était “une personne morale de droit privé relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire” et que la justice administrative n'était pas compétente juridiquement pour traiter de l'affaire. Qu’en sera-t-il pour cette affaire entamée outre-Atlantique?
Judit Zeisler
Pour plus d’informations sur cette partie de l’histoire hongroise:
Centre commémoratif de l'Holocauste (Holokauszt Emlékközpont)
IXe arrt., Páva u. 39.
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