Héritage en travaux

Héritage en travaux

Le sort du quartier juif

Image retirée.

Il semble que les évènements s’accélèrent dans l’affaire du quartier juif que l’association française, Les Mardi hongrois de Paris, cherche à sauvegarder, à l’aide notamment d’une lettre envoyée au président László Sólyom et d’une pétition pour l’UNESCO (voir Revue de presse, JFB nº255). Parallèlement à la publication de cette déclaration dans la presse hongroise début janvier, la mairie du VIIe a annoncé l’arrêt de toutes les constructions sur le territoire délimité par l’avenue Károly, les rues Király, Csányi, Klauzál et Dohány depuis le 1er février et ce jusqu’au 31 mai au plus tard, le temps d’élaborer un plan de réhabilitation pour le quartier.

Les événements ont pris cette tournure inattendue après que le maire de l’arrondissement, György Hunvald, a signalé en 2007 au quotidien Magyar Hírlap qu’il n’envisageait pas l’interdiction de transformations architecturales dans le quartier. Pourquoi Hunvald a-t-il soudain découvert les valeurs des rues de l’arrondissement, se demande-t-on aujourd’hui ? L’UNESCO a déjà déclaré en 2002 que ce quartier, sorte de zone-tampon de l’avenue Andrássy, faisait partie du patrimoine mondial car ses rues étroites et labyrinthiques regroupent des bâtiments classiques et de style art nouveau uniques du point de vue de l’image de la ville. Depuis 2004, l’organisation civile ÓVÁS! se manifeste régulièrement et fait pression sur la mairie de Budapest, la mairie du VIIe arrondissement ainsi que sur le Bureau de la Protection du Patrimoine Culturel (KÖH) afin de défendre ce territoire d’une importance historique, sociale et touristique.

Malgré la pression de l’association ÓVÁS! et la déclaration du maire de la capitale, Gábor Demszky, en faveur de la sauvegarde du quartier, la mairie du VIIe a vendu 47 bâtiments à des investisseurs particuliers entre 2002 et 2006, justifiant ces ventes par l’état de délabrement et le danger que représentent certains immeubles, mais aussi ses sources budgétaires limitées.

Actuellement, ce sont quelque 40% des bâtiments d’origine qui manquent, nombre d’entre eux ayant été remplacés par des immeubles modernes «avec un style et une taille non conformes à cette partie de Budapest», souligne l’architecte Anna Perczel, membre de l’association ÓVÁS!, dans son rapport. Ainsi, pour un immeuble de deux étages protégé, l’investisseur a par exemple dû garder la façade originale, comme l’y obligeait le KÖH…

Toutefois, il y a ajouté trois étages, ce qui a pratiquement détruit l’image originale du bâtiment. Par ailleurs, selon l’hebdomadaire HVG, dans le voisinage de la synagogue de la rue Dohány, synagogue la plus ancienne fonctionnant en Europe, l’entreprise du vice-président de Mazsihisz (l’Alliance des Communautés Juives), Péter Tordai, a acheté deux immeubles rue Síp d’où les habitants ont été délogés en étant très chichement dédommagés afin de construire un hôtel à leur emplacement.

Le directeur des Mardis hongrois de Paris, Pierre Frommer, demande aux dirigeants de la ville de reconnaître les valeurs du quartier. Le seul hic c’est que chacun voit dans le quartier juif des valeurs très différentes. L’Association ÓVÁS! insiste pour conserver sans compromis le patrimoine architectural, tandis que certaines organisations juives critiquent le fait qu’ÓVÁS! cherche à figer le quartier dans une image ancienne, semblable à un musée en plein air. Elles seraient plutôt favorables au renouveau du dynamisme caractéristique du début du XXe siècle dans ce quartier, en soulignant en outre que cette conception n’est pas réalisable sans modernisation. Cependant, le manque de fonds de la mairie du VIIe, qui a bouclé l’année 2007 avec un déficit de 1,5 milliard de HUF et pour qui l’Etat ou le KÖH ne subventionnent pas les frais élevés de la protection des immeubles, limite les possibilités d’une modernisation ou d’une réhabilitation. L’avis de l’UNESCO sur cette question sera elle aussi bientôt connue. En effet, le 5 novembre dernier, l’expert de l’UNESCO, Michel Polge, a visité Budapest. Selon l’association ÓVÁS !, il s’est rendu dans la capitale hongroise sur son invitation, alors que selon la mairie du VIIe, c’est la capitale qui a fait venir l’architecte pour qu’il se prononce sur l’avenir des changements architecturaux dans le quartier.

Judit Zeisler

Pour plus d’informations

et signer la pétition :

http://sauvezbudapest.hautetfort.com/


Exemples d’immeubles démolis dans le quartier juif

8 rue Rumbach Sebestyén : bâtiment de style romantico-historiciste précoce, construit en 1870, démoli en 2002. Actuellement s’y trouve un parking. La réglementation de l’arrondissement permettrait d’y construire un immeuble de 8 étages.

3 rue Káldy: bâtiment de style historiciste précoce, construit en 1875, démoli en 2002. L’investisseur Autoker Holding Rt. y construit actuellement un immeuble de 53 appartements.

9 rue Kazinczy : bâtiment de style classiciste construit en 1850, destiné à être classé en tant que monument protégé, puis démoli en 2006. Un immeuble de cinq étages y a désormais sa place.

4 rue Vasvári Pál: bâtiment construit en 1855, destiné à être classé puis démoli en 2006. Terrain nu pour le moment, propriété de la municipalité de l’arrondissement. Il est projeté d’y construire un bâtiment d’habitation de 99 logements de luxe.

40 rue Király: bâtiment de façade classiciste construit en 1844, dont la démolition avait commencé en 2006 après un long débat entre ÓVÁS!, le KÖH, la mairie et l’investisseur. Au tournant du siècle, sous le nom de „Bécsi Sörözô“ (Brasserie de Vienne), Gyula Krúdy (l’un des plus grands écrivains hongrois) en avait fait son lieu de prédilection, c’est dans ce lieu que se déroule l’un de ces romans. Le sort de ce bâtiment est encore incertain.

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