Fromage, olives, laine…l’Europe protège ses denrées agricoles

Fromage, olives, laine…l’Europe protège ses denrées agricoles

L'agriculture est incontestablement le secteur économique dans lequel l’intégration communautaire a été la plus poussée. Elle représente actuellement un peu moins de la moitié du budget de l’Union européenne et cette proportion va encore aller en décroissant.

Figurant dès 1957 dans le traité de Rome, la Politique Agricole Commune (PAC) n’a été mise en place qu’en 1962 et reflète, à cette époque, la nécessité d’augmenter la production alimentaire dans une Europe dévastée par des années de guerre. Très rapidement, la PAC atteint l’objectif principal qui lui était assigné : garantir l’autosuffisance alimentaire de la Communauté européenne. Elle a en effet permis d’augmenter très significativement le niveau de la production agricole en Europe grâce à la mise en place d’outils garantissant le revenu des agriculteurs, accompagnant l’exode rural et favorisant la modernisation des exploitations. De ce fait, l’Union européenne (UE) est devenue le 2ème exportateur mondial de denrées agroalimentaires derrière les Etats-Unis.

Cependant, des déséquilibres sont rapidement apparus et se sont accentués avec le temps. Victime de son succès, la PAC a connu de nombreuses réorientations visant à corriger ses excès productivistes et ses effets néfastes sur l’environnement. Elle connaît ainsi depuis le début des années 90 un processus de réforme continu afin de répondre davantage aux attentes de la société. Désormais, la PAC n’a plus pour objectif d’encourager la production mais de garantir une agriculture européenne compétitive, respectueuse de l’environnement, capable de maintenir la vitalité du monde rural et de répondre aux exigences des consommateurs en matière de bien-être animal, de qualité et de sécurité des denrées alimentaires.

Un des volets importants de la PAC est la qualité des denrées alimentaires, l’un des principaux atouts de l’agriculture européenne étant la renommée de ses produits alimentaires de qualité. L’Europe est en effet réputée pour la grande diversité des ses produits alimentaires et de ses boissons. Ces produits sont le fruit de ses milieux naturels et de ses méthodes de culture, résultats d’une tradition séculaire d’activité agricole.

Les consommateurs du monde entier se montrent de plus en plus sensibles à la qualité des denrées alimentaires. Pour la Commissaire européenne chargée de l’agriculture et du développement rural, Mariann Fischer Boel, la politique de qualité de l’UE ne se limite pas à garantir sécurité et hygiène des produits, à fixer des règles d’étiquetage claires ou à respecter le bien-être et la santé des animaux. L’UE fait plus que ça, elle apporte une aide concrète aux producteurs européens afin de leur permettre de maximiser les avantages liés à une production de qualité : « Quand un produit acquiert une réputation dépassant le cadre de sa région d’origine, il peut se trouver en concurrence avec des produits offerts sous le même nom et se faisant passer pour authentiques. Cette concurrence déloyale ne décourage pas seulement les producteurs, elle induit également les consommateurs en erreur. » C’est pourquoi l’UE a créé, dès 1992, trois systèmes destinés à promouvoir et à protéger les dénominations des produits alimentaires de qualité : les AOP (Appellations d’Origine Protégée), les IGP (Indications Géographiques Protégées) et les STG (Spécialités Traditionnelles Garanties). Avant cette date, quelques Etats membres de l’UE disposaient déjà de leur propre réglementation pour favoriser et protéger certaines appellations de produits alimentaires spécifiques. C’était le cas de la France par exemple, avec ses AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) ou de l’Italie avec ses DOC (Denominazione d’Origine Controllata). Toutefois, ces règles étaient si différentes d’un pays à l’autre qu’il est vite devenu important d’adopter une démarche homogène permettant une concurrence loyale entre producteurs sans pour autant démanteler les régimes de protections de qualité qui existaient déjà.

La législation de l’UE protège donc les dénominations de produits spécifiques liés à un territoire ou à une méthode de production particulière. Acheter un produit portant le label de qualité de l’UE ne garantit pas seulement sa qualité mais également son authenticité (les acheteurs peuvent avoir la certitude de ne pas acheter un produit d’imitation). Tant les consommateurs que les professionnels du commerce alimentaire manifestent un intérêt croissant pour l’origine géographique et certaines autres caractéristiques des produits alimentaires. En créant trois labels de qualité européens, deux d’entre eux ayant une forte connotation géographique (AOP et IGP) et le troisième se référant à des méthodes traditionnelles (STG), l’UE a pris acte de cette évolution. Le niveau de rigueur des exigences varie d’un niveau à l’autre mais tous trois ont en commun l’objectif de promouvoir l’authenticité et la durabilité.

Appellations d’Origine Protégée (AOP)

Les produits portant le label AOP possèdent des caractéristiques attestées qui résultent exclusivement du milieu naturel et du savoir-faire des producteurs de la région auxquels ils sont associés. Les AOP nécessitent par conséquent que toutes les étapes du processus de production se déroulent dans la zone concernée et il doit exister un lien objectif étroit entre les caractéristiques du produit et son origine géographique. L’«huile d’olive de Nyons», le «Queijo Serra da Estrella» et le «Shetland lamb» en constituent des exemples. En d’autres termes, seuls peuvent faire usage de ces noms et du logo AOP l’huile d’olive originaire d’une zone reconnue dans les environs de Nyons (France), le fromage provenant de la zone désignée de la Serra da Estrella (Portugal) et l’agneau né, élevé et abattu dans les îles Shetland (Royaume-Uni). Le lien géographique est plus approfondi pour les AOP que pour les IGP.

Indications géographiques protégées (IGP)

Les produits affichant le logo IGP possèdent une caractéristique ou une réputation particulière qui les associent à une région déterminée. Il est nécessaire qu’au moins une étape du processus de production se déroule dans cette zone, alors que les matières premières utilisées peuvent provenir d’une autre région. On peut citer comme exemple le «Clare Island Salmon», la «Arancia Rossa di Sicilia» et la «Dortmund Bier» : les seules denrées alimentaires qui peuvent porter ces appellations et le logo IGP sont le saumon de Clare Island (Irlande), les oranges sanguines de Sicile et la bière de la région de Dortmund (Allemagne).

Spécialité Traditionnelle Garantie (STG)

Le logo STG est utilisé pour les produits présentant des caractéristiques particulières dues à des ingrédients ou des méthodes de production traditionnels. Au nombre de ces produits figurent par exemple le pain «Kalakukko», le «Jamón Serrano», et la bière «Kriek». Ces dénominations ont été enregistrées à la suite de demandes présentées respectivement par la Finlande, l’Espagne et la Belgique, mais elles peuvent être utilisées par tout producteur respectant le même cahier des charges. La «spécificité» de ces produits provient de la caractéristique ou de l’ensemble de caractéristiques qui les distinguent clairement d’autres produits ou aliments similaires appartenant à la même catégorie. Les STG sont couvertes par un règlement spécifique de la Commission.

L’UE compte aujourd’hui plus de 700 indications géographiques et appellations d’origine (en sus des vins et spiritueux). Les pays qui comptent le plus grand nombre d’indications géographiques sont l’Italie, la France, suivies de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce. En ce qui concerne les spécialités traditionnelles garanties, le nombre d’appellations enregistrées est beaucoup plus faible.

La quasi-totalité des produits agricoles est concernée en Europe. Parmi les produits protégés figurent les fromages, les viandes, mais également la bière, les poissons et même le nougat. Mais cela concerne aussi certains produits agricoles non destinés à la consommation humaine tels que par exemple les plantes ornementales, les fleurs, le liège, le foin, la laine, l’osier et les huiles essentielles.

Carine Palacci

Sources : http://ec.europa.eu/agriculture/index_fr.htm ; http://www.touteleurope.fr/


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