Fresque colorée
La trilogie transylvaine de Miklós Bánffy
Patrick Leigh Fermor, notre écrivain voyageur entre fleuve et forêt, a préfacé ainsi la trilogie transylvaine de Miklós Bánffy : « Bánffy on le verra bientôt, est un conteur né. Il s’entend à convoquer tous les démons de l’intrigue, du crime, de l’imbroglio politique et de la passion amoureuse … Un drame immense dans tous les sens du terme. Il est clair que l’auteur y a mis sa vie et toute la pénétration d’un esprit hors du commun … » .
Pénétrer dans le premier tome de cette trilogie (vos jours sont comptés) peut se révéler plus ardu que de se frayer un chemin dans la jungle amazonienne. Mais tout comme vous serez fier d’avoir surmonté votre peur à la première grosse araignée velue aperçue, vous ne regretterez pas là non plus d’avoir dépassé les cinquante premières pages et de vous être accroché.
Entrer dans cet univers, c’est prendre le risque de s’attacher aux différents personnages qui le composent, de Bálint à Adrienne en passant par László et de se laisser emporter dans la décadence du début du XXème siècle.
Miklós Bánffy nous entraîne en 1904 dans la vie tourbillonnante des nobles de la Transylvanie hongroise, entre csardas, bals et chasses. Mais aussi vie politique, car Bálint est également député à Budapest. Et à travers l’œil inexpérimenté de Bálint, on sent la finesse politique de Bánffy, noble transylvain et membre du gouvernement hongrois dans les années 20. Cette trilogie est aussi celle de la Hongrie, des heures de son histoire si déterminantes entre 1900 et la première guerre mondiale. La volonté de s’affirmer face à l’Autriche et d’afficher les qualités magyares propres au peuple hongrois d’un côté et de l’autre la montée des nationalismes notamment roumains sont au cœur de cette histoire. Miklós Bánffy porte un regard honnête mais non dénué de tendresse sur le passé de son pays. Il n’élude pas l’aveuglement de toute une partie de la classe politique hongroise de l’époque sur la situation hongroise et sur son avenir. Bálint en est l’incarnation.
Mais en dehors de cet aspect politique, la trilogie se lit comme une grande fresque historique et romanesque, proche de Hugo, Balzac ou Tolstoï. Miklós Bánffy écrit sur l’humain et toutes ses contradictions. La passion, l’amour, le jeu, l’ivresse ou la vanité sont au centre de ses propos. On suit les destins entremêlés de tous ces personnages et on referme chaque tome avec l’envie d’ouvrir rapidement le suivant pour dénouer l’intrigue. C’est d’ailleurs là que je reconnais les livres qui m’emportent, dans la volonté de prendre mon temps pour savourer chaque page et celle de lire des passages entiers de la fin pour faire cesser ce suspens intenable.
La trilogie transylvaine est de ceux là, un livre qui représente pour moi le plaisir de l’été, presque comparable à celui évoqué par les sagas télévisuelles des vacances des années 90. Alors cet été, plutôt que de succomber à une énième rediffusion des gendarmes à Saint Tropez, enivrez vous de musique bohême et voyagez grâce à la magie des mots.
Juliette Monroche
Trilogie transylvaine de Miklós Bánffy :
Vos jours sont comptés (tome I)
Vous étiez trop légers (tome II)
Que le vent vous emporte
(tome III)
Editions Phébus collection Libretto