Film: Démons dans le jardin
Manuel Guttiérrez Aragón, réalisateur espagnol
Les étoiles du cinéma espagnol, représentées notamment par le réalisateur et écrivain Manuel Guttiérrez Aragon, se sentent chez elles dans cette salle festive, de style mauresque, du cinéma Uránia à Budapest. C’est son film Démons dans le jardin qui a ouvert la semaine du cinéma hispanique à Budapest.
Dès le début de sa carrière, ce réalisateur a remporté plusieurs prix lors de festivals prestigieux à Berlin, à San Sebastian aussi (après des années de censure et d’interdiction sous le régime Franco). Il est connu pour son engagement et pour la distribution remarquable qui caractérise chacun de ses films. La très sensuelle Angela Molina révélée par Bunuel est une de ses effigies. Il a réalisé deux versions de Don Quijote : une pour la télé et puis une autre pour le cinéma. Après la projection dans ce cinéma mythique de Budapest, Manuel Guttiérrez Aragon nous éclaire sur l’histoire de son film.
JFB : Vous présentez dans votre film tantôt humoristique, tantôt tragique, l’image de la société espagnole retracée à travers la vie d’une grande famille.
Manuel Guttiérrez Aragon : je me suis inspiré d’un mélange de culture espagnole et de culture classique, où tragique et comique cohabitent et s’expriment en abondance. Quant à moi, j’aime bien quand l’humour et le tragique se confondent. Dans cette fiction, j’évoque les années 40 et 50 – l’époque de l’après-guerre civile en Espagne mais aussi de l’après-guerre mondiale. La période de Franco fut très longue et a marqué considérablement notre pays. Ces années restent des années sombres dans la mémoire collective, sur tous les plans, je pense particulièrement à l’impact sur le mouvement des idées. Les grands intellectuels espagnols ont dû fuire leur pays . C’était une époque fade, que j’ai symbolisée par cet enfant malade cloué au lit. J’ai été un peu cet enfant – car moi aussi j’ai été malade pendant quelque temps, juste le temps de découvrir les plaisirs de la vie familiale. Il y a donc des éléments autobiographiques dans mon film : dans cette famille issue de la petite bourgeoisie commerçante, comme l’était ma famille, les femmes incarnent le rêve, le désir aussi de rompre avec cette société répressive et très catholique. A cette époque, les rêves mais aussi l’expression de tout sentiments étaient refoulés. J’ai eu la chance, entant que réalisateur, de diriger deux merveilleuses comédiennes, Angela Molina et Ana Belén, les protagonistes de ce film. Démons dans le jardin a été un vrai succès auprès du grand public.
JFB : Votre film Maravillas raconte une autre histoire, exprime un univers très différents, celui des adolescents, avec l’acteur, Fernando Fernán Gómez.
M.G.A. : Là, je dois vous avouer que pour incarner le héros, je me suis inspiré du modèle d’un photographe et artiste, un hongrois qui s’est installé à Madrid dans les années 40. Il était aussi important que Gyenes – les deux grands photographes à Madrid à cette époque étaient des Hongrois. Je ne le précise pas dans le film mais c’est la vérité et je l’ai connu – lui et sa famille -personnellement.
Éva Vámos