Festival Résonances
Rencontre avec Stéphane Kalla Karim
Le Festival Résonances est une sorte de prélude aux nouvelles modalités de l’enseignement du français prévues pour la rentrée en Hongrie à l’Université Pázmány. Un forum économique avec une large participation a introduit le Festival en présence de cinéastes et universitaires, suivi des Classes de Maîtres à l’Université catholique Péter Pázmány. Rencontre avec Stéphane Kalla Karim, professeur de philosophie et de français langue étrangère à l’Université (2012-2014 et 2015-2016).
JFB : Quel est l’intérêt du Festival d’art et du forum économique francophones que vous avez lancés ?
S.K.K. : Le Festival Résonances s’inscrit dans un projet que nous avons envisagé pour rendre l’apprentissage de la langue française un peu plus concret, en développant de nouvelles formations à l’Université Pázmány. Nous nous sommes aperçus que les étudiants étaient inquiets pour leur avenir. Le français est une très belle langue, mais l’enseignement n’est pas suffisamment connecté aux réalités économiques contrairement à l’anglais ou l'allemand par exemple. Les nouvelles formations doivent permettre aux étudiants hongrois de trouver plus facilement du travail.
Le forum économique du 1er juin 2016 a réuni tous les partenaires de ces nouvelles formations, partenaires qui – à ma grande surprise - étaient nombreux à soutenir notre projet. Beaucoup de sociétés privées ou mêmes certaines institutions publiques sont intéressées par ce type de projet et veulent le soutenir, tant financièrement que d'un point de vue marketing (en faisant la promotion de ces nouvelles formations), mais aussi en accueillant nos étudiants au sein de leurs entreprises pour des travaux pratiques de 6 mois environ. Nous avons donc signé une dizaine de contrats avec des entreprises françaises comme Auchan ou Decathlon, avec la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Hongrie, avec des institutions culturelles comme l'Institut Français de Budapest, le Festival Armel et la société de production Obscura Entertainment et sans oublier la presse avec votre Journal, le JFB, qui est aussi devenu partenaire desdites formations– mais la liste est beaucoup plus longue. Nous avons également un partenariat avec l’Université Károli Gáspár de l’Eglise Réformée en Hongrie, tant pour le Festival (que nous avons co-organisé) que pour les formations, en effet, un projet plus élaboré de coopération éducative entre cet établissement et le nôtre est en préparation, mais je ne peux rien dire de plus pour le moment car les négociations sont en cours et les démarches complexes à effectuer.
Cette initiative est soutenue par l’Ambassade de France en Hongrie et l’Institut Français de Budapest. Le forum économique du 1er juin était constitué de deux tables rondes consacrées aux formations en alternance, les débats étaient dirigés par Sylvette Tourmente, attaché de coopération scientifique et universitaire de l’Institut Français de Budapest et Agnès Ducrot, directrice de la CCI France-Hongrie. Ce fut un grand succès et nous avons pu discuter des projets futurs pour que ces différents partenariats soient fructueux.
JFB : Place à l’art, place au cinéma ! Le Festival a été inauguré par Eric Fournier, l’ambassadeur de France en Hongrie et István Szabó, le célèbre cinéaste hongrois. Comment avez-vous construit ce festival avec un programme aussi riche, y compris des Classes de Maîtres à l’Université?
S.K.K. : L’idée de départ du Festival était de le rendre le plus hétérogène possible, de mélanger les différents types d’interventions. Le Festival était orienté sur la thématique du cinéma cette année. Peut-être que l’année prochaine il s’agira du théâtre ou d'une autre forme artistique. Il y avait des Master Class avec des professionnels du cinéma, des personnages renommés comme Tonino Benacquista, le scénariste de Jacques Audiard ou comme Alain Fleischer, fondateur de l’Ecole du Fresnoy , et des conférenciers universitaires et chercheurs. Nous avons aussi permis des interventions dans le cadre de discours officiels de professionnels du cinéma, mais plutôt sous un angle économique et politique, comme c’était le cas de Csaba Bereczki, qui représente le Fonds national du Film hongrois et qui a fait de très belles interventions pendant lesquelles il a donné sa vision des cinémas francophones et hongrois et expliqué la nécessité de développer plus de coopérations européennes pour rivaliser avec le cinéma américain. Le directeur de Clavis Film György Ráduly a également introduit la projection des Sans Espoirs de Miklós Jancsó, dont il est le distributeur officiel. La société Clavis Film distribue des films hongrois en France, et travaille en collaboration avec la Cinémathèque de Paris, nous sommes heureux que György Ráduly ait accepté de soutenir le festival ainsi que nos nouvelles formations francophones. A l’occasion de la 1ère édition du Festival Résonances la société de production Obscura Entertainment a participé à la table ronde du forum économique et tourné un documentaire mettant en lumière la ville de Budapest et la culture francophone. La société de production réalise des longs métrages et des documentaires. Œuvrant pour la diffusion d’un cinéma d’auteur, les deux producteurs Farid Lakkimi et Dorothée Landelle mettent leur savoir-faire à contribution pour créer des histoires plurielles.
JFB : Vous avez invité des universitaires de Bordeaux, de Lyon et d’autres universités françaises et hongroises évidemment. Nous avons vu les décors de László Rajk pour le fils de Saul, une présentation Des enfants du paradis de Marcel Carné et un beau film d’István Szabó que l’on ne voit que rarement. Dorothée Landelle, scénariste et réalisatrice a parlé dans sa contribution de La présence du corps de l’acteur au cinéma. Même la capacité transcendantale de l’image dans Star Wars était évoquée tout comme les métamorphoses d’œuvres littéraires. Quels sont les rapports entre littérature, le scénario et le film ?
S.K.K. : Je crois que là vous faites référence à Tonino Benacquista, qui - dans sa classe de maître - nous a expliqué comment il percevait les liens entre littérature et cinéma, notamment dans l’art de la nouvelle, les différents types d’écriture et le scénario, son travail dans l’industrie cinématographique, étant lui-même écrivain et scénariste reconnu. Les conférenciers invités étaient pour la plupart des professeurs et spécialistes que je connaissais déjà et avec qui j'avais collaboré dans le passé, ils ont apporté un regard théorique, philosophique et historique sur le cinéma tandis que les professionnels des Master Classe ont apporté un regard personnel sur leur art, sur leur expérience concrète du cinéma ou de certaines disciplines liées au cinéma.
On a eu effectivement l’intervention d’Elie Ayroulet et Celia Vaz de l’Université Catholique de Lyon qui ont travaillé sur la dimension spirituelle et mystique de Star Wars en donnant quelques sources et références historiques, en essayant d’expliquer que Star Wars était une résurgence contemporaine d’une vision totale de l’Etre suprême comme présent partout dans le monde. Cela permet d’avoir un regard critique et philosophique sur les œuvres contemporaines, ce qui n’est pas forcément le cas des festivals classiques. Je pense que c’est une nouveauté intéressant à suivre. Pour moi, le plus intéressant dans ce festival fut son hétérogénéité, contrairement aux colloques académiques ce festival a rassemblé comme dans un puzzle – différents domaines de recherche. On a accueilli des mathématiciens, des psychologues, des historiens de l’art, des professeurs de cinéma, des sociologues, des théologiens, des philosophes, des scénaristes et des cinéastes. Pour moi l’importance du festival fut sa capacité à réunir des gens venant de différents horizons, et qui ont apporté – chacun à leur manière – un regard différent sur le cinéma, et surtout de pouvoir créer avec eux des projets futurs.
Propos recueillis par Éva Vámos
Photos : http://www.obscura-entertainment.eu/
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