FANZINE: Viallant

FANZINE: Viallant

D’une culture à une autre, l’appréciation d’un même produit peut changer radicalement. Vaillant, l’ancêtre de Pif gadget, une revue qui fut un des rares succès éditorial des communistes français, semblait comme un souffle de liberté pour la jeunesse hongroise de la fin des années cinquante. Qui n’a pas découvert avec consternation, dix ans plus tard, qu’en achetant Pif gadget, il avait donné une partie de son argent de poche à une revue communiste? Le gadget fascina la jeunesse du début des années 1970 à la fin des années 1980, la propagande n’était pas de mise et Rahan plaisait à l’âme de guerrier de cette génération. Aujourd’hui cette publication a disparu mais son influence est encore perceptible chez certains humoristes de la nouvelle génération. Il n’en allait pas de même pour Vaillant, qui ne devint Pif gadget qu’en 1969, une revue de bande dessinée née juste après la guerre qui vantait les succès des académiciens soviétiques et ne perdait pas une occasion de souligner les bienfaits apportés au monde par ce pays des mille et une nuits sibériennes.

En Hongrie, Vaillant, revue francophone du troisième type, était vendu en toute liberté. Les Hongrois ne prêtaient guère attention à la propagande qui faisait hausser les sourcils de certains grands-papas belges ou français, celle qu’on leur distillait était autrement plus affirmative. Par contre, les dessins les plongeaient dans l’admiration. Il est vrai que de nombreux dessinateurs, célèbres dans les années 1970 (Tabary, Gotlib, Mandryka, Greg... ) firent leurs débuts dans cette revue, il faut bien payer ses factures. Le dessin était encore un peu simpliste, le genre BD se cherchait encore, mais pour les Hongrois qui pouvaient s’offrir ce luxe, c’était la liberté, une créativité inouïe, une fenêtre sur l’Occident. Aujourd’hui, ironie du sort, la France est peut-être le dernier pays au monde où certains peuvent s’affirmer Trotskistes sans déclencher le fou rire ou la colère. A l’heure de la mondialisation nous sommes encore très loin de la grille de lecture unique. Les nostalgiques hongrois de Vaillant ont rejeté leurs anciennes croyances au panier alors que certains anciens lecteurs de Picsou magazine, lèvent leur poing pour motiver leurs camarades amnésiques. Mais bon, comme l’écrivait Blaise Pascal: «les Hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou».

Xavier Glangeaud

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