Exposition Charles Baudelaire au Musée Petôfi

Exposition Charles Baudelaire au Musée Petôfi

1857-2007. Il y a 150 ans, un poète du nom de Charles Baudelaire confiait à l’éditeur Auguste Poulet-Malassis la publication d’un recueil de poèmes, Les Fleurs du Mal. Le Musée Petôfi de la littérature hongroise ne manque pas de célébrer l’événement en collaboration avec l’Institut Français, non seulement pour rendre hommage au poète de la modernité, mais aussi pour montrer combien le regard de cet homme sur le monde moderne transmué dans une langue novatrice va influencer plusieurs générations de poètes hongrois.

Image retirée.

« Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient,

D’où jaillit toute vive une âme qui revient. »

(Le Flacon)

L’exposition qui se tient dans le beau palais du comte Mihály Károlyi propose un cadre propice à ressentir et humer ce que devait être la première partie du XIXe siècle. Deux pièces feutrées, l’une dominée par la couleur parme, l’autre par du gris, présentent plusieurs poèmes en français et en hongrois, chacun illustré par un dessin ou une eau-forte de peintres contemporains de Baudelaire. Ainsi, pour faire écho au poème A une dame créole a-t-on choisi la Femme juive d’Alger de Delacroix, pour Le Chat, Olympia de Manet, ou encore pour La prière d’un païen et Le Flacon des eaux-fortes d’Odilon de Redon qui avait créé les Interprétations pour Les Fleurs du Mal en 1890. Maintes illustrations proviennent des fonds de la Bibliothèque Nationale de France, du Musée d’Orsay (voir Jeanne Duval dessinée par Baudelaire), mais aussi du Musée des Beaux-Arts de Budapest avec, par exemple, L’embarquement pour Cythère de Watteau (eau-forte et burin de 1733). La lecture complémentaire des poèmes et des images nous plonge d’emblée dans l’esprit de l’époque ; des objets, un peu élimés, renforcent l’impression générale. Ainsi, pour encore mieux fleurer l’air d’un temps, sont mis en scène dans une grande armoire vitrée des objets de travail : des livres, des plumes, un encrier, un grand compas, un petit globe terrestre; des objets de la vie quotidienne et mondaine : une montre à gousset, des jumelles pour le théâtre, un porte-monnaie, une brosse, un éventail, un flacon; des objets d’observation : un crâne humain édenté, un coquillage, quelques bocaux renfermant caméléon, serpent, scorpion, et crapaud, ou encore, figés dans des boîtes par de grandes aiguilles, des papillons ou des mygales. En vrac, quelques clés aux formes oubliées, un violon et une statue antique. Enfin, quelques photos de Baudelaire à la présence étonnante, prises par Nadar, et une lettre manuscrite du poète à son éditeur - qu’il surnommait «Coco Mal-Perché» - datée du 16 février 1857, écrite précisément douze jours après lui avoir remis le manuscrit des Fleurs du Mal.

Des Fleurs du Mal à A Romlás virágai

Outre la beauté des poèmes choisis, sans doute l’acmé de l’exposition se trouve-t-elle dans les vitrines qui contiennent différentes éditions des Fleurs du Mal. La première, de 1857 ! La deuxième, de 1861, et ce encore de Poulet-Malassis et de Broise, malgré la condamnation par la justice de la première pour «outrage à la morale publique», avec le portrait de Baudelaire gravé par Braquemond. Et puis d’autres, illustrées successivement par Emile Bernard (1916), Henri Matisse (1947), Georges Rouault (1966). Il y a aussi Les Épaves, ce recueil illustré par Félicien Rops en 1866. Moins connu, il rassemble vingt-trois poèmes de Baudelaire dont les six pièces condamnées en 1857 ; il est publié par Poulet-Malassis réfugié alors en Belgique.

Mais ce qui est émouvant aussi, c’est de trouver les premières traductions en hongrois du recueil. Le parcours de la traduction et de la réception des Fleurs du Mal en Hongrie commence en 1861 avec des traductions d’articles consacrés à Baudelaire par des poètes. Entre 1886 et 1903, dix-sept poèmes sont traduits en 23 versions par 12 traducteurs. Peu après, la traduction de trois sonnets de Baudelaire par Endre Ady, l’un des poètes hongrois majeurs du début du XXe siècle, va contribuer à exercer une influence exceptionnelle sur la réception hongroise de l’œuvre. Il s’agit de Causerie, La Cloche fêlée et La Destruction. Ces textes publiés ensuite avec les propres poésies d’Ady feront de lui le premier représentant tant attendu de la poésie moderne et du renouvellement de la poésie hongroise. Il y a alors dans les années 1904-1906 le premier projet d’une traduction intégrale qui rassemblait Oszkár György, Mihály Babits et Dezsô Kosztolányi. Mais il n’aboutit pas. Il faudra attendre 1923 pour enfin pouvoir trouver la traduction intégrale sous le titre A Romlás virágai faite par Mihály Babits, Árpád Tóth et Lôrinc Szabó. La dernière traduction intégrale publiée sous le titre A Rossz virágai est de József Tornai et date de 1991. Un long cheminement à découvrir.

Miléna Le Comte Popovic

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