Expo: Think while you shoot
Un bédouin sur un cheval lancé au galop devant les pyramides d'Egypte accueille les spectateurs de la rétrospective que le Musée Ludwig consacre à Martin Munkácsi: Think while you shoot. Après l'image d'un motard au milieu des éclaboussures projetées par son véhicule de course, que les courageux visiteurs empruntant l'escalier principal n'auront pas manqué d'admirer, cette seconde photographie, loin d'être l'un des plus célèbres clichés de ce maître de la photographie du XXe siècle, a le mérite de donner le ton.
En effet, bien que Martin Munkácsi fut l'un des précurseurs de la photographie de mode, ses images ont pour ainsi dire toutes à voir avec le mouvement. De ses premiers clichés en Hongrie, où il est né en 1896, à ses images de mode ou de danseurs, en passant par ses nombreux reportages, au Moyen-Orient, en Amérique Latine ou en Afrique, ses prises de vue, loin de figer ses personnages dans un cadre, introduisent une dynamique ou favorisent un dialogue malicieux entre le spectateur et ses sujets. Ainsi, parmi ses premières photographies, l'image de ces enfants dansant et formant une ronde dans la cour d'un immeuble de Budapest avec, en premier plan, un gramophone qui se découpe dans l'embrasement d'une fenêtre, est révélatrice de ce trait d'esprit puisque sa mise au point est faite sur un petit arbuste situé entre les deux, qui invite ainsi le regard à se promener dans l'image.
A peine plus loin dans l'exposition, la fameuse image de Lucile Brokaw courant avec plaisir sur la plage de Long Island, nous plonge définitivement dans l'univers du photographe tel que nous le connaissons tous, tant ses images nous sont familières. Mais ou-tre les stars, de la mode, de la danse, du football ou du cinéma, Martin Munkácsi semble avoir photographié ses sujets de reportages avec le même souci de la composition. Cela saute bien évidemment aux yeux devant les rangs des soldats allemands, lors de la prise du pouvoir par Hitler, le 21 mars 1933 – Munkácsi était alors l'un des derniers sinon le dernier photographe juif à exercer à Berlin avant son départ pour les Etats-Unis, mais aussi en découvrant ces enfants noirs jouant dans le lac Tanganyika au Libéria, leur silhouette se dessinant sur l'écume des vagues. A propos de cette photographie, Henri Cartier-Bresson écrira à la fille de Munkácsi : «Je dois dire que c'est cette photo qui, comme une étincelle, m'a embrasé. J'ai soudain compris que la photographie peut fixer l'éternité dans un instant. C'est la seule photo qui m'ait influencé. Il y a dans cette image une telle intensité, une telle spontanéité, une telle joie de vivre, une telle merveille, qu'elle m'éblouit encore aujourd'hui». Joie de vivre mais aussi humour, car Martin Munkácsi n'en manquait pas comme on peut le voir dans une salle où sont exposées des diptyques, associations d'idées et d'images nées avec le temps, où ses photographies se font échos avec ironie: «Innocence de la marche (Les premiers pas d'un enfants) – Le diable en marche (les soldats d'Hitler)» est l'une d'entre elles. Les autres sont à découvrir sur place de toute urgence.
Frédérique Lemerre
Think while you shoot
Rétrospective Martin Munkácsi
Musée Ludwig
Jusqu'au 09 janvier 2011
IXe arrt. Komor Marcell utca 1
tlj de 10:00 à 20:00, sauf le lundi
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