Expo: Sur le front Est

Expo: Sur le front Est

«Sam Milica Tomic... Je suis Milica Tomic... I am Milica Tomic...». La voix de cette artiste serbe, qui se présente dans toutes les langues tout en laissant voir son corps peu à peu mutilé, nous restera en tête bien longtemps après avoir quitté le musée Ludwig... En effet, alors que le Műcsarnok rend hommage aux artistes du Béla Balázs Studió et leurs créations sur pellicule, le musée Ludwig présente quant à lui Sur le front Est, une vaste exposition qui embrasse 20 ans d'art vidéo en Europe de l'Est et centrale. Ce qui pourrait, à première vue, sembler être une gageure – rassembler en une seule exposition un panel d'œuvres représentatives de toute la création vidéo de cette partie de l'Europe – est en réalité un pari particulièrement réussi qui permet au spectateur d'être confronté à de multiples approches, à la fois stylistiques et narratives, à de multiples identités, nationales et identitaires, bref, à des artistes aux personnalités différentes. En effet, le choix des travaux présentés résulte d'un véritable dialogue entre une réflexion sur le motif de la transition politique et l'approche d'artistes qui se sont approprié le médium vidéo pour observer ou questionner la nature de ces changements complexes et radicaux. En découle une approche à la fois didactique (le fascicule de présentation est ainsi un véritable guide qui amorce une réflexion sur la nature des contextes politiques et idéologique des pays et sociétés dont les artistes sont issus), dialectique (l'exposition cherche à comprendre, en présentant des positionnements artistiques distincts, quels ont été les mouvements de l'Histoire et les chemins qu'ont empruntés les processus de démocratisation de ces sociétés) mais surtout... poétique, critique, ironique, tendre ou amusante. A travers une vingtaine d'œuvre, cette promenade nous entraîne par exemple sur le balcon de l'artiste polonais Josef Robakowski qui, durant plusieurs années, a filmé la ville depuis son balcon, sous lequel sont passés des défilés militaires et autres marches commémoratives (avant 1989), et d'où il a observé la vie quotidienne des habitants. Dans la même salle, Tout a déjà été fait, du groupe Azorro, montre quatre artistes installés autour d'une table de jardin qui cherchent, avec nonchalance mais non sans humour, une idée pour un nouveau projet artistique et constatent que «tout a déjà été fait». Plus loin, le groupe d'artistes russes Chto Delat a réuni quatre personnages, dans une parodie théâtrale de la démocratisation, qui incarnent un démocrate, un capitaliste, un ouvrier révolutionnaire, un nationaliste, une femme qui a trouvé sa propre voie, sans oublié un choeur qui chante et commente leurs interventions. Mise en scène comme une tragédie grecque, cette vidéo ironique se plaît à saisir les mutations d'une société en pleine transformation. Les œuvres s'enchaînent mais, une fois l'exposition terminée, on aimerait en voir d'avantage, remplir nos yeux de ces images «si loin si proches», creuser plus encore dans ces plis et replis de l'Histoire mais surtout de ces histoires intimes.

Frédérique Lemerre

 

Sur le front Est

Jusqu'au 7 mars 2010

Ludwig Múzeum - Palais des Arts

IXe arrt. Komor Marcel u. 1.

www.ludwigmuseum.hu

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