Expo: Soc-art

Expo: Soc-art

Deux policiers russes s’embrassent dans une forêt de bouleaux. Cette photo du groupe d’artistes russes Blue Noses faisait partie, en mars 2007, de la biennale de Moscou, dont une partie mettait l'accent sur l’art politique. Les œuvres parodiant le régime soviétique et actuel étaient tolérées „à la maison”, toutefois le ministre de la culture russe ne les a pas laissées partir pour Paris en automne 2007. L’exportation de ce type d’art ironique russe est devenue encore plus difficile depuis que le pays est entré en guerre cet été contre la Géorgie. La Russie ne voulant pas ternir son image. C'est pour cette raison que le musée Modem de Debrecen a dû ajourner une partie de son exposition dédiée à l’art soviétique et russe, car la fondation censée fournir les œuvres de l’exposition s'est finalement retirée. C'est grâce à une nouvelle "source" viennoise que l’exposition a finalement ouvert ses portes fin septembre à Debrecen et la photo intitulée «Policiers s’embrassant» figure bien parmi les œuvres exposées.

 

Au rez-de-chaussée le réalisme socialiste hongrois est également représenté. Notons que la version originale russe a inspiré les artistes contemporains hongrois. Ce style a été vivement "recommandé" aux artistes hongrois à partir de 1949, un an après l’invasion du pays, par le ministre culturel de l’époque, József Révai. Les artistes hongrois ont vite appris les caractéristiques fondamentales du style: le mélange du réalisme et de l’idéalisme, le monumentalisme, les sujets de propagande et l’histoire réinterprétée par le pouvoir soviétique. Le pouvoir était satisfait, bien que la période jusqu’à 1956 n’ait pas été la plus remarquable de l’art hongrois. Cette partie de l’exposition fournit une coupe suffisamment complexe pour appréhender le style, cependant son interprétation manque d'explications.

La partie «Art russe contemporain» qui se développe au premier étage du musée n’est pas seulement la partie majeure de ce programme (au total une centaine de peintures, photos, œuvres multimédias et installations), mais aussi la plus forte. Dans l’installation intitulée «Cuisine commune» (1992), Ilja Kobakov a collectionné des messages laissés dans les cuisines d'appartements que plusieurs familles occupaient ensemble lors du régime communiste. Ces textes traduits en hongrois et en anglais, et parfois accompagnés d'objets trouvés et de dessins, racontent des histoires de la vie quotidienne : l'un des habitants se plaint par exemple des enfants qui ont brûlé une casserole pour faire des expériences chimiques, un autre a volé la pantoufle d'un habitant qui avait fait trop de bruit pendant la nuit. Outre des œuvres ironiques sur la période soviétique, l’exposition présente une vaste palette d’artistes contemporains russes les plus significatifs.

«Réservé aux visiteurs âgés de 18 ans et plus» – ce panneau décore la troisième partie de l’exposition dédiée uniquement au Blue Noses. Ce groupe composé de deux artistes russes,Viacheslav Mizin et Alexander Saburov, enchaîne les scandales avec leurs photos et leurs films manipulés, et ce depuis les années 90. La sélection de leurs photomontages sur la vie secrète de Lénine et les orgies de Poutine, Bush et Oussama Ben Laden dépassent les frontières de l’art, elle nous guide dans le monde du kitch. On ne s’étonne plus que le ministre de la culture russe ait souhaité garder quelques unes de ces œuvres à l’intérieur des frontières de son pays.

 

Réalisme socialiste

Du 10 juillet au 7 novembre

L’art contemporain russe

et Blue Noses

Du 25 septembre au 15 décembre

Musée Modem

Baltazár Dezsô tér 1, Debrecen

www.modemart.hu

 

Judit Zeisler

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