Expo: Robert Capa
Indochine, 25 mai 1954. Envoyé par le magazine Life couvrir le conflit armé en Indochine, Robert Capa rejoint un déploiement de soldats français sur la route qui relie Namdinh à Thaibinh. Forcés de ralentir sous la pression ennemie, Capa s'impatiente. Il décide de suivre et de photographier les soldats qui avancent dans un champ. Il prend un cliché en couleur et un autre en noir et blanc. Ce seront ses dernières image. Il marche sur une mine. Il avait 41 ans.
Robert Capa, de son vrai nom Endre Friedmann, est sans doute le photographe qui a su érigé le photojournalisme au rang d'art. Ses images ont cette capacité de cristalliser l'essence des moments les plus décisifs de l'Histoire du XXe siècle pour la postérité, comme le souligne Barnabás Bencsik, directeur du musée Ludwig qui consacre cet été et jusqu'au 11 octobre une vaste rétrospective à l'œuvre de ce photographe incontournable. Incontournable parce que notre connaissance de l'Histoire est intimement liée à ses images, publiées à des centaines de milliers d'exemplaires afin d'illustrer les conflits qui secoué le siècle passé.
Espagne, 1936, ce milicien républicain mortellement touché pendant une attaque près de Cerro Murioano est devenue emblématique de toute la Guerre d'Espagne. Tunisie, 1943, le pilote américain Levi R. Chase dans le cockpit de son P-40 sur lequel il a peint les symboles (croix gamée de l'Allemagne nazie et faisceaux, symbole de l'Italie fasciste) des avions ennemis abattus au combat. Cette image, outre un portrait magnifique et émouvant, est devenu l’un des symbo-les de la lutte pour la libération de l'Europe. Les images du “D-Day”, le jour du débarquement sur les plages de Normandie, font également parti de ces clichés qui ont atteint le statut de symbole, et plus encore... Ces photographies en noir et blanc et floues de soldats américains courant vers la plage, sombres silhouettes dans les vagues, sont paradoxalement les plus emblématiques de son oeuvre alors même qu'elles ne ressemble en rien à du photo-journalisme. Capa était là, sur la plage d'Omaha, en première lignecomme à son habitude, photographiant sans répit le déroulement de ces événements historiques dont il ne reste pourtant que quelques images. Il envoie ses films à Londres dans les bureaux du magazine Life où, dans la précipitation, l'assistant du labo photo chargé du développement règle le séchage sur une température trop élevée, détruisant du même coup les centaines de clichés réalisés par Capa. N'ont été sauvées que 11 photographies, de «mauvaise qualité», comme l'explique le reportage publié par le magazine Life: «Dans l'immense exaltation de ce moment, le photographe Robert Capa a bougé sa caméra et ses photos sont donc légèrement floues». C'est ainsi que Capa, avec une certaine ironie, a choisi de publier ses mémoires de guerre sous le titre Légèrement flou.
Lors de votre visite, je vous recommande vivement de visionner un documentaire admirable retraçant la vie de Robert Capa et évoquant de nombreuses anecdotes et détails passionnants sur son destin hors du commun. De quoi donner un éclairage passionnant aux 200 photographies présentées dans cette exposition remarquable et qui convient le spectateur à un véritable face à face avec l'Histoire.
Ludwig Muzeum, Palais des Arts
IXe arrt., Komor Marcell u. 1
Jusqu'au 11 octobre
Frédérique Lemerre
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