Expo Over the counter
«Nous savons que l’art n’est pas un idéal de beauté qui se trouverait en dehors des règles de la société, mais une manifestation de la vie, déterminée par d’autres forces de notre époque desquelles découlent nos vies quotidiennes. Par conséquent, les crises politiques et sociales ne se sont jamais distinguées des crises que l’art a expérimenté. Il existe cependant un court laps de temps entre les deux». Voilà ce qu’écrivait l’artiste peintre et écrivain hongrois Lajos Kassák en… 1925! Il n’est toutefois pas étonnant que cette citation soit reprise en exergue de l’exposition Over the Counter que le Műcsarnok consacre au phénomène de l’économie post-socialiste et à sa relecture dans l’art contemporain. Il a ainsi invité 30 artistes et collectifs originaires de Hongrie, Lituanie, Allemagne, etc. pour interroger le processus de transformation économique qu’ont connu les anciens pays du bloc de l’Est au cours des vingt dernières années.
Il y est donc question d’utopie, d’illusions, de frustration, de désenchantement, mais aussi de créativité, et c’est bien cet aspect qu’il nous faut conserver à l’esprit pour apprécier cette vaste exposition au sein de laquelle le parcours, aussi cohérent soit-il, ne s’offre pas d’emblée comme un cheminement aisé. Si l’économie n’est pas un concept abstrait mais une réalité qui nous affecte à chaque instant de notre vie quotidienne, cette image revêt des aspects plus complexes encore dans les pays post-communistes où les mentalités et l’héritage institutionnel du vieux système entrent en conflit avec les strictes demandes dictées par le marché.
Quant aux œuvres présentées, elles sont autant de réponses à ces questionnements sur un changement survenu 20 ans plus tôt. Des réponses tantôt amères, tantôt lucides et d’autres qui détournent les aspirations et espoirs qui traversaient les sociétés de l’Est lors de cette transition pour proposer des postures ironiques voire férocement drôles, telle cette vidéo de l’artiste slovaque Lucia Nimcova, Exercice, où des ouvrières, un chauffeur de bus, un bûcheron et d’autres travailleurs, exécutent, face caméra, quelques exercices de gymnastiques. Tous manquent de souplesse mais tous se prêtent de bonne grâce à ce jeu... Pleine d’ironie également, la série photographique de Csaba Nemes, consacrée aux supérettes ABC et CBA se ré-approprie les codes du pop art pour afficher, telles des icônes de cette nouvelle ère consumériste, une boîte de haricots blancs de la marque CBA, mais aussi un pack de lait CBA, un sachet de sucre vanillé CBA, un paquet de riz CBA, etc. Une uniformité visuelle qui traduit la pauvreté du choix. En somme, c’est bien davantage lorsque les artistes glissent dans leur œuvre une pointe d’humour ou un trait d’esprit et d’humour que le déclic se produit réellement. Il en va ainsi de même avec cette photographie grand format représentant un immeuble de banlieue anonyme et triste, au sommet duquel une pancarte publicitaire annonce que l’emplacement est libre en ces termes: «Guys, this is not L.A. but it’s a cool place too! Advertise here!»
Frédérique Lemerre
Over the counter
Műcsarnok, Kunsthalle
XIVe arrt. Dózsa György út 37
Ouvert tlj de 10:00 à 18:00, le jeudi de 12:00 à 20:00.
Fermé le lundi.
Jusqu’au 19 septembre
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