Expo: l'Art Brut
C’est en bateau que Freud se rendait tous les matins depuis l’hôtel Gellért au congrès mondial des psychanalystes, qui s’est tenu en automne 1918 à Budapest. Et c'est également à Budapest, immédiatement après la tenue de ce congrès, qu'a été créée la première chaire universitaire pour la psychanalyse en Europe (qui n’a cependant existé que très peu de temps). Aujourd’hui, avec la fermeture de l'Institut psychiatrique national, un dernier hommage est rendu aux créations artistiques de ses anciens patients avec une grande exposition dédiée à l’Art Brut.
Lors du vernissage, László Beke, le directeur de l’Institut de l’Histoire de l’art de l’Académie, a annoncé que cette précieuse collection serait désormais confiée à son Institut.
Conçue en trois volets, cette exposition accueille, d'une part, une grande collection autrichienne conçue pour le centenaire de Freud, d'autre part, celle provenant du Musée de la Psychiatrie de Budapest, fermé récemment. Le troisième volet étant consacré aux dessins grotesques d’un aristocrate hongrois, Ernô Teleki, réalisés lors de sa relégation en Roumanie dans le Delta du Danube.
L’Art Brut préféré aux arts culturels, signé Jean Dubuffet, a valeur de manifeste lors de la fondation, en 1948 à Paris, de la Compagnie de l’Art Brut, avec notamment André Breton. Compagnie qui a rapidement attiré l’attention de Miró, de Claude Lévi-Strauss et de Jean Paulhan, directeur de la NRF (La Nouvelle Revue Française). Dubuffet lui-même se rapproche des arts premiers dans sa peinture et se révolte contre la culture dite traditionnelle. Henri Michaux le rejoint également pour quelques temps dans les années d’après guerre. La collection de la Compagnie a connu des hauts et des bas avec des expositions à travers le monde et, désireux de lui assurer un statut public, Dubuffet l’offre à la ville de Lausanne en 1973. Cette face cachée de l’art, que l’on appelle aussi Outsider art, suscite de plus en plus l’intérêt des conservateurs de musées et des amateurs d’art.
C’est ainsi qu’Angelica Baumer, commissaire de l'exposition, a pu sélectionner des oeuvres issues de 30 instituts psychiatriques autrichiens et les exposer à Vienne et désormais à Budapest, deuxième étape de cette exposition itinérante.
Des dessins, des personnages tout droit sortis des rêves et de visions extralucides, des caractères cocasses, à mi-chemin entre l’art de Picasso et celui des expressionnistes, des toiles sombres et d’autres éclatantes, les oeuvres sont éclectiques. Les patients sont guidés par les plus grands maîtres des Beaux-Arts, à tel point que l’un d’entre eux, Gábor Ritter, signe ses toiles et qu'il est devenu un artiste régulièrement exposé. «Les gens normaux n’ont jamais rien fait d’extraordinaire» s’exclama autre fois Gaston Chaissac, l'un des peintres les plus célèbres de l’Art Brut. Sans doute cette exposition lui donne-t-elle raison.
Magyar Nemzeti Galéria, Budavári Palota, tous les jours sauf le lundi jusqu’au 9 novembre, www.mng.hu
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