Expo: Arctic Hysteria

Expo: Arctic Hysteria

Un homme, vêtu d'un élégant smoking, avance d'un pas déterminé, suivi de près par la caméra. Face à lui – face à nous – un brise-glace progresse avec une efficacité mécanique redoutable, projettant de part et d'autres les débris de la banquise sur laquelle l'homme avance, apparement imperturbable. C'est l'image forte qui accueille le spectateur à l'entrée de l'exposition Arctic Hysteria, au Musée Ludwig. L'homme, qui se révèle être un chef d'orchestre, lève soudain le bras et le monstre d'acier s'immobilise alors dans la vaste étendue blanche où, tels des pingouins endimanchés, les musiciens d'un orchestre au moins symphonique entrent en scène en file indienne et se dirigent vers le navire… Ce film, oeuvre de Mika Ronkainen, est l'une des pièces fortes de cette belle exposition consacrée à l'art contemporain finlandais. Après le MoMa de New-York, le MUPA de Budapest pénètre en terre arctique pour partager avec ces artistes leurs visions utopiques, animales ou psychédeliques. Installations, peintures, vidéos, photographies, les médias se succèdent pour une plongée dans un univers souvent ludique, toujours poétique.

 

Selon la Classification internationale des maladies, l'hystérie arctique est un trouble qui touche principalement les Inuits vivants dans le Cercle polaire arctique. Le sujet présente «des symptômes prodromiques, par exemple une fatigue, une dépression ou une confusion, suivis d'une «crise» cacactérisée par un comportement perturbateur: le sujet enlève ou arrache ses vêtements, court, se roule dans la neige (...) et détruit ce qui l'entoure. Dans la plupart des cas, ces épisodes ne durent que quelques minutes. (...) La plupart des chercheurs attribuent ce trouble à une anxiété interpersonnelle et à des facteurs de stress culturels». Selon l’écrivain Marko Tapio, auteur d’une série de quatre nouvelles semi auto-biographiques sur le climat social et culturel en Finlande après la seconde guerre mondiale, intitulées Hystéries Arctiques (1968), il s’agit d’un mal plus global, «la réaction d'une nation débordée et condamnée par sa mélancolie et sa passivité».

Le constat est en apparence moins amer de la part des artistes exposés au MUPA. La mélancolie serait-elle devenue ironie et la passivité contemplation? Contemplation de la nature bien sûr, très présente (et de toute évidence très attendue…): de cette collection de superbes manteaux et chaussures réalisés en végétaux très finemment assemblés à la présence totemique de lièvres blancs, en particulier dans la très touchante installation de Pekka Jylha, J’aimerais comprendre, où le bel animal s’interroge sur le mystère de la vie face à son reflet. Le surréalisme du célèbre roman d’Arto Paasilinna, Le lièvre de Vatanen, n’est pas loin. Une façon de plus de se jouer des clichés que cette exposition relève pour mieux les détourner. «C’est dans la nature des stéréotypes que d’être tenaces, en particulier en ce qui concerne un peuple ou un groupe ethnique», écrivait Barnabás Bencsik, directeur du Musée Ludwig, à propos de cette exposition qui, en effet, s’appuie sur les idées reçues afin de mieux dépeindre une image très honnête et colorée de la Finlande du XXIe siècle. Une image vivante en somme, parole de lapin!

 

Frédérique Lemerre

 

Arctic Hysteria

Jusqu’au 12 avril

Musée Ludwig, Palais des Arts, Komor Marcell u.1, 9e arrt.

Du mardi au dimanche,

de 08:00 à 23:00

 

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