EXPO: Anton Corbijn
Comment photographier une rockstar? C'est à cette question que répond, au fil des salles, la très belle exposition consacrée au photographe néerlandais Anton Corbijn.
Ses portraits de stars, de David Bowie, à Clint Eastwood, en passant par Mike Jagger ou encore les membres de U2, nous font entrer dans un univers à part, où l'on en vient à se demander si être une star est un train de vie ou un „état psychologique”?
Corbijn se découvre tres tôt une vocation pour le métier de photographe. Il devient photographe pour un magazine musical et, rapidement, il impressione avec ses clichés en noir et blanc, très contrastés et matiérés. Très vite des stars comme Iggy Pop, Ian Curtis ou Jerry Lee Lewis se l'arrachent et c'est ainsi, en photographiant toutes ces stars, que Corbijn en devient une lui-même. L'exposition présente d'ailleurs une série de grands formats, en couleur et réalisés en numérique, où il choisit de prendre l'apparence de Bob Marley, Jimmy Hendrix ou encore Kurt Kobain, se glissant dans la peau de ceux qu'il n'a pas pu photographié de leur vivant.
Parmi les premières photos de l'exposition, une très belle série présente des portraits en noir et blanc et en format 6x6, dont la mise en scène est simple et intimiste. Les visages sont tantôt souriants, tantôt rêveur (Lou Reed ferme les yeux et sourit aux anges), et parfois même dissimulés (Johnny Depp, le visage presque caché, reste toutefois reconnaissable à son sourire...). Si cette sobriété fait ressortir l'humanité des stars, elle laisse aussi à Corbijn le loisir de détourner leur image, comme celle de Lenny Kravitz, photographié à demi-nu et un masque sur la tête: il est méconnaissable en danseur tribal venu d'un autre temps. D'autres portraits semblent également à part, notamment lorsqu'il joue avec les ombres, celle de Schumacher en tenue de champion de Formule 1 ou encore celle de Spielberg, qui exécute – amusé – un canard en ombre chinoise.
Mais ces hommes et femmes sont ici moins les musiciens, cinéastes ou acteurs que nous connaissons que les stars que nous admirons. Et le photographe s'attache peu à peu à transposer leur image dans un contexte qui développe notre imaginaire. Le rock a ses codes et Corbijn en joue avec un plaisir certain: portraits de Sean Penn comme pris par surprise par un paparazzi ou Joy Division posant, avec une moue de „bad boy”, dans un grand hôtel de luxe.
Corbijn recherche constamment une nouvelle approche de la photographie. Plus loin, la mise en scène occupe une place plus importante dans la composition des photos. La star passe presque au second plan, – ainsi Clint Eastwood est-il placé derrière une vitrine et décentré dans une image où Corbijn joue avec les reflets, les éléments du décor et le cadre dans le cadre. Ou encore la star joue un rôle, comme Kylie Minogue dans la peau d'une pin-up très légèrement vêtue et téléphonant aux yeux de tous devant sa fenêtre. Fenêtre sur cours? Les oiseaux? Quelques-uns de ces grands formats en couleur évoquent des scènes tout droit sorti d'un film de Hitchcock.
Outre ses photographies, l'exposition présente un autre aspect du travail de Corbijn avec des couvertures d'albums, en particulier de Dépèche Mode, groupe avec lequel il a très régulièrement collaboré, et qui lui valurent une renomée mondiale. Cette exposition nous rappelle combien elle est justifiée.
Juliette Bastin & Christophe Deléglise
Jusqu’au 5 juillet
Ludwig Múzeum,
IXe arrt. Komor Marcell u.1
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