Expo: Allan Sekula
Une grande exposition d’Allan Sekula est arrivée de Chicago et via Varsovie au Musée Ludwig. Il ne s’agit pas d’une rétrospective mais elle réunit un très grand nombre d’œuvres du maître de l’art conceptuel à travers ses diverses périodes. Les photos et les vidéos nous entraînent à la découverte du monde – l’univers d’une société postindustrielle dans les ports de Gdansk ou de Glasgow, Hong Kong, Barcelone, Los Angeles ou San Diego. Avec sa caméra, il sillonne les océans, des villes emblématiques pour lui – né en Pennsylvanie dans une famille d’origine polonaise et devenu universitaire à Los Angeles. Il est à la recherche de ses racines – non pas pour dessiner un quelconque arbre généalogique, mais pour repenser son identité polonaise – d’où le titre de l’exposition et celui du livre Polonia et autres récits. Une Pologne qui n’est nulle part, comme il le dit avec Jarry, et qui reste présente dans la mémoire des familles. C’est l’interrogation de mythes face au réel. Il photographie admirablement l’homme et le cadre de sa vie et représente somme toute l’une des grandes figures du documentaire contemporain. Il travaille sur pellicule, développe et construit ses cycles de photos. Dans les séquences de son cinéma on voit des ouvriers mais aussi des étudiants qui protestent. Ses maîtres étaient le philosophe Herbert Marcuse et l’artiste conceptuel John Baldassari.
C’est aussi le pénible travail des pêcheurs et des matelots qui est capté par sa caméra au large de l’océan, l’espace oublié – comme il l’a remarqué. Dans son film documentaire sur les puissances maritimes et les risques, il fait référence à Adam Smith. La Richesse des nations, comme toute l’analyse smithienne, continue à susciter l’intérêt, certainement aussi pour son caractère multidimensionnel mais aussi parce qu’il s’agit d’une théorie qui tend vers un plus grand respect de la liberté et de la dignité humaine – comme le souligne son collègue universitaire californien Christian Marouby. L’artiste assemble également des images des mouvements de grève et d’occupation d’usines des dernières années aux Etats-Unis. Ses héros découvrent l’ombre du marteau et la faucille dans un campus universitaire. Un autre volet de son art et du documentaire, tout en étant proche parce qu’issu du même mouvement de protestations, est le spectacle donné au théâtre de la Bastille à Paris ces jours ci: Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon. C’est une expérience d’écriture collective pour questionner le rapport de l’intime et du social. Les utopies et les luttes collectives des années 1968-1970 s’y imposent comme un repère. Metteur en scène et comédiens y procèdent avec des interviews, des dialogues volés au café, des scènes de film se référant à Jean-Luc Godard. Allan Sekula cite également Godard et passe les bandes sonores que le visiteur écoute dans un fauteuil de régisseur installé dans la salle pour mieux contempler les photos.
Éva Vámos
Allan Sekula: Polónia és más mesék
Ludwig Múzeum, IXe arrt. Komor Marcell u 1.
Ouvert tlj de 10:00 à 20:00
sauf lundi
Jusqu’au 19 septembre