Etre francophone en 2008

Etre francophone en 2008

Quelques heures après la parution de ce numéro du JFB, la fête de la Francophonie battra son plein dans le monde entier. C’est donc, comme chaque année, le moment de faire notre petit état des lieux. Nous sommes bien loin de l’année 1871 et de la vision qu’avait Onésime Reclus du concept de francophonie. Même si la tendance est de bien différencier le sentiment de francophonie d’avec ses institutions, on ne saurait nier l’utilité potentielle de celles-ci. Ainsi la Hongrie possède-t-elle le statut d’observateur au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie et compte 50 000 personnes, élèves ou étudiants, qui apprennent le français au cours de leur cursus d’études.

De l’Agence pour la coopération culturelle et technique (ACCT), fondée en 1970 par 21 Etats, à l’Organisation internationale de la Francophonie qui réunit 55 Etats membres et 13 Etats observateurs, un long chemin a été parcouru et l’on peut considérer qu’en 2008 la francophonie est à l’aube d’une ère nouvelle. Le Secrétaire général de l’Organisation, M. Abdou Diouf, ancien président du Sénégal, qui a été réélu en 2006 malgré sa propension à la politisation de l’Organisation, ne cesse de mettre l’accent, avec raison, sur la diversité culturelle de la Francophonie.

Bien sur, être francophone, c’est «avoir le français en partage», mais de quel point de vue ?

Entre ceux dont le français est la langue maternelle, ceux dont c’est une des langues officielles, ceux qui sont minoritaires, ceux pour qui l’usage de cette langue représente la marque d’une différenciation, d’une culture à part, les buts et les moyens diffèrent. Si le Québec est l’un des piliers de la francophonie ce n’est pas par hasard. La crise politique qui agite la Belgique montre bien à quel point la francophonie est aussi une réalité humaine, bien distincte des motivations économiques qui motivaient (et motivent encore) certains Etats membres.

La diversité est, bien entendu, aussi culturelle. La francophonie, ce n’est pas une envie de navarin de mouton au cœur du Sahara mais plutôt un poulet Yassa qui suivrait une salade au chèvre chaud.

Que l’on recense 200 ou 400 millions de francophones (le francophone à l’instar du chômeur varie en nombre selon les méthodes de calculs…) le problème reste le même. La diversité est présente jusque dans la structure même du français que l’on parle.

La francophonie représente-t-elle par-dessus tout un attachement à certaines valeurs ? C’est possible mais quand M. Diouf évoque la démocratie à l’échelle internationale, on ne peut s’empêcher de penser qu’à l’échelon local pas mal de pays membres de l’Organisation ont encore des progrès à faire.

Plutôt que d’analyser la francophonie institutionnelle, la macro-francophonie et son éventuelle influence politique sur la scène internationale, plutôt que d’étudier les relations économiques qui peuvent s’y attacher, regardons-là par le petit bout de la lorgnette, dans son acception la plus largement partagée, celle de la promotion d’une langue et de cultures.

L’exemple de la Francophonie en Hongrie est un bon exemple même s’il est un peu biaisé.

La Hongrie est un pays où longtemps la langue française bénéficia d’un préjugé favorable. Avec les vicissitudes de l’Histoire cet intérêt se réduisit au profit de l’allemand et de l’anglais.

Ces dernières années virent aussi la montée en flèche de la langue italienne. Pourtant, grâce aux efforts conjugués des pays francophones présents dans le pays et grâce à la forte présence de sociétés françaises de renom, le français commence à retrouver un certain attrait pour les Hongrois. Autrefois, il n’y avait que les amoureux de la France, il y a maintenant les amoureux de la francophonie. Les Wallons et les Suisses francophones sont au cœur de ce revirement en ce qu’ils présentent d’autres concepts culturels et une autre Histoire.

On ne saurait nier que la diffusion d’une langue est liée à un financement. La présence d’instituts culturels, l’organisation d’expositions, la venue d’artistes, la mise sur pied de filières bilingues, sont des actions coûteuses.

Ce problème du financement des actions culturelles et de communication est présent dans tous les aspects de ce que nous pourrions appeler le «projet francophone» et il est définitivement prouvé que la solution n’est pas étatique. Les Américains sont un exemple patent du fait qu’une culture peut se diffuser non seulement à moindre coût mais en produisant des bénéfices. Si l’on veut mieux diffuser les cultures francophones et promouvoir la langue française, il faut le faire commercialement et en partenariat avec les entreprises. Un véritable partenariat ne repose pas sur la générosité de certains dirigeants, le copinage ou la mendi-cité. Un partenariat est une opération du type «gagnant-gagnant». Il faut toucher un large public et non un réseau d’happy few déjà conquis. Il ne s’agit plus, à l’heure où les caisses des Etats européens sont vides, de promouvoir la culture d’une élite ou les membres d’un réseau, il s’agit de concevoir des produits de communication qui s’autofinancent de manière à pouvoir injecter de l’argent dans de nouveaux projets. L’action conjuguée des gouvernements à permis un redémarrage du français à coup de subventions, il s’agirait aujourd’hui de pri-vilégier l’efficacité, de sortir des idées reçues, d’abandonner le népotisme pour faire de la francophonie ce qu’elle doit être : une force de progrès.

Xavier Glangeaud

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