En ce 20 août, les Hongrois célèbrent Saint-Etienne, fondateur du Royaume

En ce 20 août, les Hongrois célèbrent Saint-Etienne, fondateur du Royaume

20 août

Chaque année, le 20 août constitue en Hongrie le temps fort de l´année, agrémenté de nombreuses manifestations ponctuées par un feu d´artifice tiré des ponts du Danube. Pourquoi cette date ? Elle correspond à la fête de Saint Etienne, premier roi de Hongrie, érigée en Fête nationale.

Fondateur du royaume, Saint Etienne fut couronné en l’An mil (1). Il mourut un 15 août, en 1038.  C’est en 1083, soit moins de cinquante après sa mort, qu’il fut sanctifié par le pape Grégoire VII, sur l’initiative du roi László 1er (Saint Ladislas), et que la date du 20 août - jour de sa sanctification - fut désignée pour célébrer son souvenir. Journée proclamée fête religieuse trois siècles plus tard, sous le règne de saint Louis le Grand (Lajos 1er, 1342-1382).

Fête qui tomba par la suite en désuétude, voire disparut totalement sous l´occupation turque, mais que Marie-Thérèse relança et consacra, lançant notamment le culte de la Sainte Dextre (main droite du roi défunt), relique faisant chaque année l’objet d’une grande procession. Ce n’est qu’en 1891 que le 20 août fut décrété jour férié par François-Joseph. Célébré sous la période communiste comme „Fête de la Constitution” (2), il retrouva son sens originel avec le changement de régime de 1989 et fut à nouveau décrété fête nationale en 1991 aux côtés du 15 mars (1848) et du 23 octobre (1956).

Qui était Etienne ? Fils du prince païen Géza qui se convertit au christianisme, Vajk, né en 967, fut baptisé en 971 sous le nom d’Etienne. Il épousa en 996 une Bavaroise, Giselle, sœur de l’empereur Henri (Heinrich) II, dont il eut deux fils : St Imre (Emerich) et Otto. D’abord Prince (997-1000), puis Roi (1000-1038), il est vénéré non seulement comme le fondateur du royaume, mais aussi comme celui qui en créa les institutions, du moins en jeta les bases. Il est également considéré comme celui qui ouvrit son pays sur le monde chrétien occidental et lutta avec énergie, voire férocité, contre le paganisme et l’obscurantisme. „Considéré” et non forcément „vénéré”’, car l’on retrouve aujourd’hui, essentiellement dans les milieux extrémistes, des Hongrois pour le lui reprocher et prendre parti pour son ennemi d’alors, son cousin le prince païen Koppány qu’il fit exécuter. Ceux qui prennent aujourd’hui ce parti sont, certes une petite minorité, néanmoins lourde de signification : retour aux racines asiatiques, glorification de la prétendue parenté touranienne (3) et mise au pilori de l’Europe et de l’Occident en général.     

Si c´est au départ pour préserver les intérêts de son peuple que, sur les traces de son père, Etienne s´était tourné vers Rome, la religion catholique et l´Occident – habilement mis en concurrence avec Byzance –, il fit néanmoins preuve d´un esprit d´ouverture admirable pour l´époque, témoignant d´une approche lucide et pragmatique. Esprit d´ouverture „pour l´époque”, avons-nous dit, mais qui pourrait encore servir de modèle à plus d´un, dix siècles après. Jugeons-en. Dans une longue admonestation adressée à son fils Imre, il écrivait entre autres, au sujet des hôtes étrangers : „Venus d´horizons différents, parlant des langues différentes et pratiquant des coutumes différentes, ces hôtes nous procurent autant d´armes qui ne font que renforcer l´éclat de notre cour et nous enrichir. Car un pays qui s´en tient à une langue et une coutume uniques se révèlera faible et courra à sa perte”.

Mais revenons-en à la fête elle-même.  A Budapest, la célébration a débuté par le lever des couleurs et la traditionnelle revue devant le Parlement, suivi d´un défilé aérien. Dans l´après-midi est dite une grand´messe sur le parvis de la basilique Saint Etienne suivie de la procession de la Sainte Dextre. Mais ce qu´il faut surtout en retenir est la richesse et la variété du programme proposé à la foule des visiteurs, dont beaucoup venus de province : stands d´artisanat, présentations culinaires, concerts, jeux et animations à l´attention des enfants. Le tout ponctué par un grand feu d´artifice tiré sur le Danube devant le Parlement.

20 août

A noter enfin la célébration du „pain bénit”. Longue tradition qui remonte au Moyen Âge où il était de coutume de fêter la fin de la moisson, initialement en juillet, puis le 29 juin, jour de la saint Pierre et Saint Paul. Tressage de couronnes fleuries, agapes, danses. Une pratique que l´on retrouve aujourd´hui encore dans certaines campagnes. Finalement transférée au 20 août, la fête du pain bénit – dont on comprendra aisément le symbole religieux – revêt aujourd´hui une telle importance que chacune et chacun, en ce 20 août, s´efforcera d´en prendre sa part. Une coutume originale et bien sympathique.

En cette période où le pays sort à peine d´une pandémie meurtrière (4) (en attendant la prochaine vague..), voilà qui est bienvenu pour souffler un peu. Mais aussi une trêve bienvenue au milieu des tensions qui exacerbent le monde politique.  Un peu de répit et un sourire bien mérités pour cette foule massée sous le Château et le long des berges du Danube.  Rien n’interdit après tout de rêver...et osons espérer que le miracle se prolongera au-delà du 20 août, une fois les lampions de la fête éteints.

Mais bon, ne rêvons pas trop...

Pierre Waline

(1): En fait, probablement le 1er janvier 1001. La couronne lui fut envoyée de Rome par le pape français Sylvestre II (Gerbert d’Aurillac)

(2): constitution du 20 août 1949.

(3): Le Touranisme est un courant idéologique (contesté) regroupant les peuples de langues turques et finno-ougriennes au sein d'une entité commune nommée Touran.

(4): 30 000 décès pour à peine 10 millions d´âmes.

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