Elisabeth de Hongrie
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Après le remarquable et remarqué ouvrage de Charles de Montalembert, Histoire de Sainte Elisabeth, reine de Hongrie (publié pour la première fois en 1836) c’était un pari courageux que d’écrire une biographie sur la vie de Sainte Elisabeth. Le résultat n’est pas mauvais du tout pour ceux qui apprécient les biographies romancées : Elisabeth de Hongrie, princesse des pauvres se lit facilement et avec plaisir.
Certains pourraient être rebutés, dans la première partie du roman, par l’attitude d’Elisabeth, fille du roi de Hongrie fiancée dès l’âge de quatre ans à Louis, duc de Thuringe et cousin de l’empereur allemand Frédéric II : par le récit qui nous en est fait, elle paraît excessive et caricaturale, digne d’une enfant gâtée. Son appel au dénuement nous paraît déraisonné alors qu’au contraire, ce comportement manifeste déjà les traits caractéristiques d’une Sainte. Son amour avec Louis frôle le ridicule par les échanges exaltés que nous rapporte le narrateur : on frise les amours de midinettes…
Dans ce contexte, les allusions à Saint François d’Assise et à l’époque barbare et mystique dans laquelle Elisabeth vit, tombent un peu à côté.
Quel dommage ! Le livre en est dénaturé et on éprouve au départ un certain agacement.
Bien heureusement, avec la mort de Louis, son mari, le roman prend des allures plus sérieuses et devient vraiment intéressant. C’est à ce moment-là que l’on découvre le véritable personnage de Sainte Elisabeth de Hongrie, la reine des pauvres. On apprend beaucoup sur la vie d’une femme d’autant plus passionnée que coule dans ses veines le sang des Árpád mêlé au sang de toutes les dynasties d’Europe. L’ouvrage se lit alors avec beaucoup plus de facilité et de plaisir.
C’est en effet à la mort de son mari, veuve avec trois enfants en bas âge, qu’Elisabeth va acquérir toute sa dimension de Sainte. Choisissant de vivre selon les préceptes de Saint François d’Assise, qui la fascinait, elle part vivre «à corps perdu dans la voie de la pauvreté consentie», abandonnant tout derrière elle, enfants, titres et richesses, pour se mettre au service des pauvres. Elle construit un hôpital pour soigner les lépreux, d’où son titre posthume de patronne des hôpitaux. Passionnée et humble au plus haut point, elle ne flanche jamais, malgré les nombreux obstacles qu’on dresse sur sa route, et reste dévouée à sa cause quels qu’en soit les sacrifices. Cela lui valut le surnom de « reine pauvre et reine des pauvres », attribué par Charles de Montalembert.
Elisabeth fut canonisée très vite par Grégoire IX, en 1235, soit seulement quatre ans après sa mort. « Dame Pauvreté » fascina et inspira de nombreux artistes et parmi eux, poètes (Rutebeuf), peintres (Giotto, Fra Angelico, Piero della Francesca, Boticelli, Dürer) et musiciens (Liszt, Wagner) : une raison supplémentaire de lire ce livre !
Clémence Brière
Elisabeth de Hongrie, princesse des pauvres, de Elisabeth REYNAUD, aux éditions Presses de la Renaissance (mars 2005), 272 pages.
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