Du «sur mesure»
Arrivé depuis quelques mois en Hongrie, le nouveau conseiller économique et commercial de la région wallonne près l’Ambassade de Belgique affiche un enthousiasme à déplacer des montagnes. Après huit ans passés comme directeur du bureau régional de Charleroi de l’AWEX (Agence Wallonne à l’Exportation et aux Investissements étrangers), Eric de Clercq a choisi de servir son pays à l’étranger, dans un premier temps à Varsovie, puis depuis quelques mois à Budapest.
Rencontre avec le Conseiller économique et commercial en Hongrie pour la Wallonie (AWEX).
JFB : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la Wallonie s’est dotée d’une agence d’exportation qui lui est propre ?
Eric de Clercq : Pour comprendre la situation actuelle de la Belgique et de ses institutions, il nous faut remonter le temps jusqu’en 1830 date à laquelle, suite à la défaite de Waterloo et du Congrès de Vienne, la Belgique est créée de toute pièce afin de faire tampon entre les grandes puissances voisines. Dans un premier temps, le Royaume de Belgique fonctionne de façon unitaire avec le français comme langue officielle, mais, très rapidement, un mouvement flamand revendique, de manière justifiée, la coexistence des deux langues principales. Il faut comprendre que le sud de la Belgique (l’actuelle Wallonie) est jusqu’à la Seconde Guerre mondiale une région très riche (sidérurgie, extractions minières…) alors que le nord est surtout agricole. Ce recours au français entraîne logiquement un sentiment de frustration chez les citoyens flamands d’autant plus que le français reste la langue de la bourgeoisie et de l’élite. Après 1945, la situation se renverse : la Flandre devient majoritaire en terme de population et elle développe un maillage très dynamique de petites et moyennes entreprises tandis que l’économie de la Wallonie périclite… Les revendications régionalistes se font ainsi de plus en plus fortes et aboutissent en 1963 à l’établissement de la frontière linguistique puis au début des années 70 à la création de 3 régions : Wallonie, Bruxelles et Flandre. Depuis, la décentralisation s’est développée et un grand nombre de compétences ont été transférées vers les régions au détriment de l’Etat fédéral. C’est ainsi que dans les années 90, la compétence du commerce extérieur ayant été donnée aux régions, dans chacune d’entre elles fut créée une agence. Je dirige l’un des 105 bureaux de l’agence Wallonne: celui de Budapest créé en 1994.
JFB : Quel est donc le rôle de l’AWEX ?
E.de C.: Notre métier est d’assister les entreprises exportatrices wallonnes à trouver ou à accroître de nouveaux marchés à l’étranger. Nous sommes le partenaire privilégié de nos entreprises, mais aussi de tout investisseur étranger potentiel en Wallonie. A Budapest, je travaille avec deux assistantes et nous faisons ponctuellement appel à des personnes extérieures. Par ailleurs, conformément au plan de redéploiement économique actuellement en vigueur en Wallonie, plus connu sous le nom de : Plan Marshall, nous recevons très régulièrement des étudiants afin de leur donner le goût du commerce à l’international et leur mettre le pied à l’étrier.
Enfin, nous collaborons étroitement avec les services fédéraux de l’Ambassade de même qu’avec nos collègues régionaux également installés à Budapest.
JFB : Quels sont les points forts de la Belgique en terme d’offre pour ses partenaires ?
E.de C.: Depuis les années 80, la Belgique, et notamment la Wallonie, a entamé un long processus pour réintégrer les victimes de la crise économique dans le marché de l’emploi par la constitution d’un réseau de petites entreprises. Dès lors, beaucoup d’entreprises sont devenues leaders dans leur domaine, comme l'aéronautique ou la pharmacie, et peuvent offrir à leurs partenaires un plus.
JFB : Vous avez la volonté de faire passer la Hongrie dans le top 20 des marchés d’exportation de la Wallonie. Comment comptez-vous y parvenir ?
E.de C.: Nous aimerions faire progresser l’ensemble des exportations belges en Hongrie et parmi elles, bien entendu, plus encore celles de Wallonie. Nous devons nous reposer sur une image de la Hongrie qui est perçue de façon très positive en Belgique et offrir à nos entreprises un service individualisé : du «sur mesure» plus que du «prêt-à-porter». Par ailleurs nous recherchons un maximum d’opportunités et parmi elles se situe par exemple le projet «Pécs 2010» auquel pourrait participer un grand nombre d’entreprises wallonnes avec des appels d’offres. Enfin, depuis l’arrivée des compagnies d’aviation low cost, je ne cesse de démontrer que l’Europe centrale est un marché de proximité. Le billet d’avion pour Budapest n’est-il pas moins cher qu’un Bruxelles-Paris en train ? Il faut parvenir à abattre ce «mur mental» qui persiste chez beaucoup d’entrepreneurs et inviter les sociétés wallonnes à venir exporter en Hongrie. C’est la tâche que nous nous sommes fixés et nous y parviendrons.
Propos recueillis par Frédéric Humbert
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