Du rififi chez les élus

Du rififi chez les élus

Le scandale provoqué par l’affaire Zuschlag en septembre dernier a des conséquences on ne peut plus inattendues sur la vie politique hongroise. En effet, le Premier ministre, Ferenc Gyurcsány, vient de proposer une vaste réforme, actuellement étudiée par le Parlement, qui porte sur le statut et le salaire des députés, mais aussi sur le financement des partis et des organisations politiques. En cas de rejet au Parlement, cette réforme, déclinée en sept points, se verra présentée devant le Conseil constitutionnel. Ferenc Gyurcsány envisage en effet d’organiser un référendum sur ces questions dès 2008.

L’affaire Zuschlag

Le 21 septembre dernier, János Zuschlag, député et président du MSZP dans le département de Bács-Kiskun, et six autres personnes étaient arrêtées et inculpées pour avoir détourné les subventions destinées à une association censée organiser des camps de vacances pour enfants (voir la revue de presse du JFB n°247). Celle-ci aurait en effet reçu des subsides de la mairie de Budapest, mais aussi du ministère de la jeunesse et des sports pour un montant total de 50 millions de HUF depuis 2005. Le scandale a éclaté lorsque l’association a cherché à prouver l’utilisation régulière des sommes versées par le biais de faus-ses factures. De plus, lors de l’enquête, la police a également découvert une vidéo dans laquelle un autre député du département explique à un entrepreneur comment s’y prendre pour détourner des subventions européennes.

Quelques jours plus tard, le 28 septembre, le secrétaire de János Zuschlag, István Lados, était également mis en examen et le 4 octobre, Ferenc Katus, dirigeant du MSZP dans la ville de Kiskunhalas, dans le même département de Bács-Kiskun où J. Zuschlag occupait ses fonctions, était lui aussi arrêté. Tous sont accusés d’appartenance à une organisation criminelle.

Les sept points du Premier ministre

Parmi les aspects mis en avant par Ferenc Gyurcsány dans son projet de réforme figure, en bonne place, le lien peu transparent qui peut exister entre le milieu associatif et le monde politique. L’affaire Zuschlag a ainsi mis en exergue qu’il était plus qu’ambigu que des associations dites civiles soient liées d’une manière ou d’une autre à un parti politique, en particulier en ce qui concerne leur mode de financement. Ferenc Gyurcsány s’est donc décidé à lancer un pavé dans la mare des débats publics que ne cessent d’alimenter les affaires ou soupçons de corruption. Il ne s’agit pas encore d’une proposition de loi, mais davantage de suggestions qui, depuis ses déclarations, alimentent les discussions, en particulier sur les bancs de l’Assemblée.

1) Atteindre une réelle transparence dans le financement des campagnes électorales et des partis politiques.

Il serait ainsi question d’augmenter la somme allouée à la campagne électorale de chaque député pour atteindre 5 millions de HUF (contre un million actuellement). En revanche, il est question de plafonner le budget de chaque parti à 2 milliards de HUF lors de chaque campagne. Par ailleurs, les partis devront ouvrir un compte bancaire séparé pour financer de la façon la plus transparente possible leurs campagnes électorales et seront amenés à signaler auprès de la Cour des Comptes les entreprises qui participent au financement des campagnes. Enfin, les médias ne pourraient pas accorder de réduction aux partis politiques pour leurs frais publicitaires.

2) Le financement des «organisations jeunesses» des partis politiques sera partie intégrante du budget des partis en question et elles ne bénéficieront désormais plus du statut d’association civile.

3) Les associations civiles proches des partis politiques ne pourront désormais plus bénéficier de subventions publiques. (Celles-ci seront dès lors strictement séparées de la sphère politique).

4) Etablir une règle stricte empêchant tout cumul de mandats par les députés.

Selon le député SZDSZ Gábor Horn, plus de cent députés travaillent parallèlement dans des mairies (Inforádio du 4 octobre 2007). En revanche, la proposition du ministre ne toucherait pas, par exemple, les députés qui donnent également des cours à l’université.

5) Une évaluation des richesses sera effectuée pour:

- les fonctionnaires les plus importants

- les postes clefs des ministères

- les députés

Une loi relative au statut des fonctionnaires existe pourtant déjà depuis 2001.

6) Dès 2010, les députés occuperont cette fonction à temps plein (et se devront donc d’être présents sur les bancs de l’hémicycle).

7) La réglementation du salaire des députés.

 

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Les deux premières et deux dernières questions doivent recueillir les 2/3 des voix au Parlement, contre la moitié seulement pour les trois autres questions.

Réactions

Parmi les députés du MSZP, des voix se sont élevées contre la volonté du Premier ministre de voir les parlementaires exercer leur mandat à temps plein, argumentant que le salaire était trop insuffisant à leurs yeux. Un député du MSZP interrogé par le Népszabadság, tout en reconnaissant qu’il s’agissait d’une très bonne idée pour prendre un avantage certain sur le Fidesz, a toutefois souligné qu’il s’agissait d’un débat exclusivement politique, peu susceptible de gagner l’intérêt des citoyens d’ores et déjà méfiants à l’égard de leurs élus.

Tibor Navracsics, président de la fraction du Fidesz au Parlement, a, quant à lui, fait remarquer que le gouvernement devrait commencer cet examen de conscience dans ses propres rangs, en rendant disponible les informations relatives aux salaires des ministres sur internet.

Du côté des médias, le site Hírszerzö trouve étrange que le Premier ministre n’évoque pas de réforme concernant les remboursements des frais des députés, pourtant bien plus élevés que les salaires. Le quotidien Népszabadság a, quant à lui, relevé que l’important, après le scandale de l’affaire Zuschlag, serait peut-être davantage de mesurer l’activité réelle des maires ou des membres des commissions parlementaires plutôt que de statuer sur leur temps de présence à leur poste.

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Judit Zeisler et Frédérique Lemerre

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