Drôle de tournure pour la présidence hongroise
Orbán et les dirigeants européens
Lors du sommet du Conseil européen, le 4 février, l’Allemagne et la France ont présenté leur pacte de compétitivité visant à modifier les règles de la politique économique de l’UE ainsi que les critères de Maastricht. Normalement, sur ce point la présidence hongroise aurait dû parvenir à un accord avec les autres États membres. Le président permanent du Conseil européen, Herman Van Rompuy et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont toutefois pris ce sujet en main.
La présidence hongroise et son «Europe forte»
En réagissant au pacte très controversé, Viktor Orbán a déclaré, avec humour, le 5 février dernier qu'«au vu des dernières constellations, l’introduction de l’euro en Hongrie ne peut être envisagée avant 2020». La proposition franco-allemande peut avoir cependant un impact considérable sur l’une des priorités de la présidence hongroise, le renforcement de la gouvernance économique européenne. Le représentant permanent de la Hongrie auprès de l’UE, Péter Györkös, avait affirmé déjà en novembre que l'objectif principal de la présidence est la sortie de crise mais aussi l'aboutissement du débat sur la nouvelle gouvernance économique, en collaboration étroite avec les dirigeants de l’Union. La réalisation de cette dernière priorité est désormais compromise.
Le 28 février dernier, une réunion à huis clos a été organisée avec la participation des hauts fonctionnaires des pays de la zone euro pour discuter du pacte, remanié par les services de Herman Van Rompuy et de la Commission européenne. Ce nouveau pacte sera débattu lors du sommet de la zone euro, le 11 mars pochain, mais sans la présence de Viktor Orbán. Selon le portail «Euractiv.hu», cette démarche est la conséquence du Traité de Lisbonne qui a réduit le rôle de la présidence de l'UE mais aussi de l’attitude du gouvernement hongrois. Après le sommet de février, Viktor Orbán s’était opposé à la proposition franco-allemande, ce qui avait suscité de vives polémiques au sein du parti populaire européen. Quelques jours après, le ministère des Affaires étrangères français a organisé le sommet du G8 et du G20 à la date de la seule réunion importante des chefs de gouvernement des États membres de l’UE. Dès lors, de nombreux délégués ont dû renoncé à leur déplacement à Budapest.
Viktor Orbán a affirmé qu'«qu'actuellement le sauvetage de l’euro est la priorité et que les ressentiments de chaque pays, même légitimes, doivent être relégués au second plan».
Le rôle de la Hongrie dans les grands dossiers européens
Le rôle de la présidence tournante est affaibli par le Traité de Lisbonne. Le porte-parole de la représentation permanente de la Hongrie à Bruxelles, Márton Hajdú, a déclaré au portail «Origo» que certains dossiers, comme le pacte de compétitivité, relèvent désormais de la compétence du président permanent de l'UE. «On voit très bien que la gestion de la crise échappe au contrôle de la présidence tournante» a noté l’économiste, Attila Marján, au portail «Kitekintô».
Selon Zoltán Gálik, maître de recherche à l’Institut des Affaires extérieures hongrois, «la Hongrie doit faire face à une nouvelle donne: la crise économique et financière demande des réponses rapides, c’est la raison pour laquelle certains pays fondateurs, comme la France et l’Allemagne, agissent fermement et prennent des initiatives en matière de gouvernance économique».
Une mise à l'écart sur la scène internationale?
Dès le mois de novembre, la presse internationale n’a pas cessé de publier des articles sur la loi relative aux média, la politique économique peu raisonnable mais aussi la législation allant à l’encontre des normes communautaires. À ce début de présidence peu réussi s’est ajouté l’attitude conflictuelle de Viktor Orbán au Parlement européen et l’ajournement du sommet du Partenariat oriental. Plusieurs spécialistes s’accordent pour dire que la Hongrie risque d'être progressivement mise à l'écart sur la scène internationale.
D’après András Rácz, chercheur à l’Institut des Affaires extérieures, le fait qu’un pays perde la possibilité d’organiser l’événement le plus important de sa présidence relève « du jamais vu » dans l’histoire de l’UE. Michael Emerson, collaborateur du Centre d’études des politiques européennes à Bruxelles, a affirmé au journal HVG: «nous avons eu l’impression à Bruxelles que les Hongrois avaient traité le sujet du Partenariat oriental de manière superficielle. Ils n’ont pas essayé d’aboutir à une position commune sur des questions telles que l’accord de libre-échange avec l’Ukraine et la Géorgie». Selon les informations du journal HVG, l’ajournement du sommet du Partenariat oriental pourrait être lié au refus de Viktor Orbán de retarder sa réforme de la Constition hongroise comme le lui recommande l'UE. Le journal prétend que le gouvernement hongrois ne serait pas enclin à placer les problèmes communautaires devant ses propres intérêts politiques.
Il faut juste espérer que la Hongrie ne sera pas, elle aussi, mise à l’écart…
Máté Kovács