Disque: Krétakör - Partika
Ceux qui croyaient jusque-là que Krétakör était le nom d’un groupe de musique constitué de jeunes talents protéiformes seront vite déçus après avoir pris ce disque – le premier et le dernier – en main. Car, selon la légende budapestoise (conquérant la ville, en général, comme un incendie), après une douzaine d’années d’existence, la troupe de théâtre qui porte ce nom parvient encore à surprendre certains spectateurs, étonnés que les musiciens qu’ils admirent sur scène, soient par ailleurs des acteurs brillants et dotés d’un répertoire allant de Büchner à Sorokine. Mais tout cela doit être conjugué au passé car le concepteur–metteur en scène de Krétakör, Árpád Schilling, a décidé de se laisser consumer par les flammes, et la troupe, finalement, s’est éteinte. Nous sommes après une longue série d’adieux, le public fidèle a eu sa dose de spectacles et de concerts. C’est la fin.
Pourquoi ce disque alors ? Un chant du cygne ? La volonté de garder la trace des quatre ans passés à arriver à une telle maîtrise des instruments ? (Que ceux qui ne veulent pas que la postérité se souvienne de leur œuvre lèvent la main). Car maîtrise, il y a. Mais Partika n’est pas un simple produit musical. Les chansons de ce disque s’enchaînent selon une dramaturgie théâtrale, pas très tendue d’ailleurs, celle du spectacle intitulé PestiEst représenté en septembre 2007, qui lui-même a été difficile à insérer dans une catégorie générique.
Il ne s’agit donc pas d’écouter quinze chansons, mais quinze épisodes de la nuit de Budapest, inspirés par les petites annonces du magazine de programmes distribué partout dans notre capitale. Un disque bariolé (comme l’étaient les costumes du spectacle), dans tous les sens : les textes vont de l’inondation à la liposuccion en passant par l’invitation à la discothèque ou la recherche d’un téléphone portable perdu. Grâce à l’arrangement musical et son interprétation, nous entendons de manière aiguë les guillemets qui entourent cette cavalcade thématique, annoncés déjà par le diminutif du titre. Le ciment entre les épisodes est à chercher dans le cadre : un homme d’une cinquantaine d’années, au bord de la crise de nerfs, monte dans un taxi et s’adonne à la nuit. Le son des synthétiseurs des années 70-80 et les fanfares empruntées à la musique balkanique reviennent comme des refrains, le rap sicule génial de Laci Katona est comme un moment de folie doté, toutefois, d’une moralité. Tout comme cet autre numéro du même genre qui adapte la loi d’Archimède à la problématique de l’obésité (avec la contribution d’Eszter Csákányi, toujours inoubliable). Mais il y a aussi une vision de Brigitte Bardot (Ne me laisse pas l’aimer – interprétée par l’extraordinaire Annamária Láng) et un coup de fil de «thérapie sexuelle», suivis de la déclaration d’amour, une sorte de monologue intérieur dans le tramway no 6, roucoulée par l’actrice–chanteuse Bori Péterfy. Et la liste est loin d’être exhaustive.
Ce théâtre sonore qui mélange le sérieux à l’ironie a tout pour séduire un public très diversifié - et de droit.