Désordre dans le parti de l’ordre
Financement du parti Jobbik
Le bureau du Procureur général a débuté une enquête après avoir relevé des anomalies autour du financement du parti nationaliste Jobbik. Si, avec plus de quatre ans de retard, le parti s'est empressé de publier le compte rendu de ses rapports financiers annuels, l’identité de ses donateurs reste toujours secrète.
Le Jobbik a été créé en automne 2003, cependant ses rapports financiers annuels n'ont été publiés qu’en janvier 2010. La cour des comptes nationale, Állami Számvevôszék (ÁSZ), a attiré l’attention des dirigeants du parti d’extrême droite sur cette lacune en 2009. Finalement, c'est un particulier vivant dans le département de Pest qui a choisi de porter plainte devant le bureau du Procureur général, se basant sur les recommandations de l'ÁSZ. Selon les informations de l’hebdomadaire HVG, le dénonciateur a préféré rester anonyme car il a été menacé après avoir posé des questions sur le financement du Jobbik sur plusieurs forum Internet.
Mi janvier, suite à la demande de l’ÁSZ et à l’article de HVG portant sur l'enquête menée par le bureau du Procureur Général, le Jobbik a finalement publié sur son site ses rapports financiers couvrant la période 2004-2008. Toutefois les montants reportés semblent bien sous-estimés. Selon ces rapports, le revenu annuel de Jobbik n’atteindrait que 2 à 3 millions de HUF, sauf en 2007 lorsqu'il n'aurait pas dépassé 655.000 HUF. Il est difficile d’imaginer comment un parti peut rencontrer une popularité à l'échelle nationale avec un budget proche de celui d'un retraité, budget par ailleurs insuffisant pour construire et entretenir un site Internet convenable.
Le Jobbik n'a pas encore communiqué sur l'état de ses comptes en 2009, année glorieuse dans l'histoire du parti puisqu'il a remporté trois mandats lors des élections européennes. Le parti est tenu de publier ces informations d'ici la fin du mois d'avril.
D’après les calculs d'experts en marketing, HVG a estimé les dépenses de la campagne des élections européennes du parti à au moins 100 millions de HUF, ce qui signifierait un énorme changement par rapport aux années précédentes.
L'origine des dons versés au parti, soit 9 millions de HUF en 5 ans, soit 90% de leur budget total, reste par ailleurs mystérieuse. Les rapports du Jobbik ne nomment pas leurs donateurs, rappelant qu'ils ne sont tenus de révéler leur identité qu'au-delà de certaines limites (100.000 HUF s’ils sont étrangers, 500.000 HUF dans le cas des Hongrois). Auparavant, plusieurs experts de politique étrangère ont fait le parallèle entre le financement et les relations orientales du parti, notamment avec la Russie et les pays musulmans, en particulier l’Iran. Lors de la manifestation du parti le 23 octobre 2008, son président, Gábor Vona, a par exemple exprimé le souhait de faire venir des observateurs iraniens lors des élections de 2010.
Il ne faut toutefois pas oublier que le financement des autres partis politiques manque également de transparence. Cependant les possibilités de l’ÁSZ sont très limitées dans ce domaine. Elle ne peut qu'observer la forme des rapports remis par les organisations politiques mais ne peut par exemple pas vérifier que les revenus et les dépenses réels sont conformes aux chiffres publiés. Ainsi un parti ne risque-t-il d'être soupçonné que si son comptable commet de graves fautes. Ce fut par exemple le cas en 2006-2007 pour le MDF, dont le rapport contenait une erreur de plus de 100 millions de HUF sur les crédits et les donations. L’ÁSZ a déjà plusieurs fois demandé à ce que ce système soit modifié, mais il n’est pas surprenant qu'un tel changement n'ait jamais été voté devant le Parlement, que la proposition soit venue de gauche ou de droite.
Judit Zeisler