Des tanks aux bottes
Tank, Malina Hedvig et Garde Hongroise sont les mots-clés de l’histoire du conflit actuel entre la Hongrie et la Slovaquie. Tour d’horizon des relations tendues entre les deux pays frontaliers.
«Gyurcsány et Fico prennent un café ensemble à Lisbonne.» La relation actuelle entre la Hongrie et la Slovaquie est bien caractérisée par le fait que la rencontre entre les deux Premiers ministres lors du sommet européen fasse la une des journaux.
Depuis la formation, en juin 2006, du gouvernement de Robert Fico, la tension entre les deux États voisins ne cesse de grandir. En effet, le parti de Fico, Direction, Sociale-démocratie (Smer-SD), a permis à des formations ultranationalistes, et notamment anti Hongrois, d’entrer au gouvernement. Il s’agit, d’une part, du parti de l’ancien Premier ministre Vladimír Meciar (Le Mouvement pour une Slovaquie démocratique – LU-HZDS), mais surtout du Parti national de Ján Slota (SNS). Il y a quelques années, par exemple, ce dernier avait ainsi déclaré qu’il faudrait détruire Budapest avec des tanks et, à l’issue des élections, le Parti national avait affirmé que sa priorité était «d’avoir un gouvernement slovaque», c’est-à-dire un gouvernement dans lequel ne figurerait pas le Parti de la coalition hongroise.
Après la formation du gouvernement de Fico, l’Internationale socialiste a fermé ses portes au parti social-démocrate slovaque, allié aux nationalistes de SNS. Fico a accusé les socialistes hongrois, les membres du MSZP, de le discréditer régulièrement auprès des socialistes européens, et ce par esprit de vengeance. «Notre parti est puni, car nous avons eu le courage de former un gouvernement de coalition avec le SNS et le HZDS, en accord avec la volonté des électeurs » a estimé Fico.
L’affaire Malina
Le conflit entre la Hongrie et la Slovaquie s’est par ailleurs aggravé à l’été 2006. En effet, fin août, Malina Hedvig, une étudiante d’origine hongroise, a déclaré avoir été violemment agressée sur la voie publique par deux inconnus, parce qu’elle avait parlé en hongrois sur son téléphone portable. Des inscriptions xénophobes («Les Hongrois au-delà du Danube !» ou «Pour une Slovaquie sans parasites !») ont été inscrites sur ses vêtements.
L'incident, immédiatement repris par les médias nationaux et internationaux, a provoqué une vague de protestations en Slovaquie et en Hongrie. Quinze jours plus tard, l'enquête a révélé que la victime, devenue entre-temps le symbole de «l'oppression de la minorité hongroise de Slovaquie», avait tout inventé. Sa fausse déclaration pourrait lui valoir jusqu'à cinq ans de réclusion pour «propagation de nouvelle alarmiste».
L’affaire Malina Hedvig a eu des conséquences diplomatiques : Ferenc Gyurcsány a sommé les autorités slovaques «d’intervenir contre les incidents anti Hongrois». Fico a répondu que l’affaire Malina n’avait pas un arrière-plan ethnique. Ce dossier n’est pourtant pas encore refermé. En effet, l’homme qui avait dénoncé Malina s’est suicidé et des journaux slovaques ont révélé que leurs autorités n’avaient pas été impartiales.
La Garde
L’autre chapitre du conflit entre les Hongrois et les Slovaques est l’affaire de la Garde Hongroise. Plusieurs représentants du Parlement slovaque exigent que la Hongrie interdise cette milice d’extrême droite. Fico a déclaré que la Slovaquie empêcherait quiconque portant ces «bottes répandre ses idées en territoire slovaque».
Durant les dernières semaines, la tension a de nouveau grandi. Fico a en effet qualifié de «provocation» l’initiative prise par le Parti de la coalition hongroise de proposer aux deux pays d'adopter une déclaration de réconciliation sous forme d'excuses pour les torts que les deux camps avaient fait subir à l'autre tout au long de l'Histoire.
Ainsi, au lieu de la déclaration de réconciliation, le Parlement slovaque a adopté, le 20 septembre dernier, une résolution affirmant l'immuabilité des décrets Benes qui avaient permis d'expulser des Hongrois de Slovaquie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. László Sólyom, le Président hongrois , ainsi que Ferenc Gyurcsány, ont protesté contre cette déclaration.
Nul ne sait désormais comment normaliser la relation entre les deux pays. En tout cas, à Lisbonne, Gyurcsány et Fico se sont entendus sur la nécessité d’une entrevue officielle.
Szabolcs Dull