Des dispositifs contrastés
Les violences faites aux femmes
Adoptée en 1979 par l’ONU, la lutte contre les violences faites aux femmes s’inscrit dans un contexte mondial. Une conférence sur ce thème important, mais aussi très sensible, organisée par l’attaché de sécurité intérieur, le service de coopération scientifique, technique et universitaire et le conseiller social de l’Ambassade de France en Hongrie, s’est tenue à l'Institut Français le 9 juin avec des échanges fructueux entre services de police et judiciaires des deux pays. Force est de constater que ce sujet fait l’objet de pratiques différentes en Hongrie et en France.
Les violences au sein du couple peuvent être multiples, aller de la violence verbale à la violence psychologique, pour se parachever souvent en violences physiques. En France, d’après les chiffres de l’enquête ENVEFF, 1 femme sur 10 est victime de violences au sein de son couple. Une femme décède tous les 2,5 jours. Les enfants sont les premières victimes de ces situations conjugales violentes. En Hongrie, en 2010, sur 310 homicides enregistrés, 120 ont été commis dans le cadre familial, soit un tiers. En 2010, la police hongroise a enregistré 12.000 faits de violences conjugales.
Un droit français qui donne plus de poids au Juge
Dans les Hauts de Seine, un dispositif expérimental de lutte contre les violences conjugales et familiales a été mis en place. Il est placé sous l’autorité du Préfet de département. Il est composé d’un représentant de la police du département, d’un magistrat, et de représentants d’associations de victimes de violences, sous la houlette d’un coordinateur. Le correspondant police est un maillon fort de ce dispositif car il fait l’interface entre le terrain, les associations départementales et le magistrat.
Cependant la police est confrontée à de nombreuses difficultés : recueil de la plainte, flagrant délit (pas de pénétration dans le domicile entre 21h et 6h), recueillement des preuves (notamment en matière de violences psychologiques), compréhension de la procédure par la victime.
En outre, le droit français n’autorise pas la police à décider de l’éloignement familial. Il faut une décision de justice souvent prise dans les 15 jours suivant les faits. Les procédures sont aussi très formelles : des procès verbaux doivent être rédigés sur tous les actes de garde à vue. Le Juge français est souverain.
Les textes français qui sont consacrés aux violences conjugales sont la loi du 4 avril 2006 et la loi du 9 juillet 2010.
Un droit hongrois moins explicite, mais des rôles plus équilibrés
En Hongrie, la prévention est axée autour de la police. Les effectifs de police primo-intervenants ont le pouvoir de décider l'éloignement temporaire de l'époux violent. Cet éloignement du domicile conjugal est décidé pour une durée de trois jours, avant toute décision judiciaire. Le non-respect de cette interdiction est constitutif d'une infraction. Ainsi, en 2010, sur 12.000 cas de violences conjugales, 1.463 éloignements provisoires ont été prononcés, soit dans 12% des cas.
Ce dispositif permet une prise de décision rapide, réellement préventive, par des responsables ayant pu apprécier la situation au sein même du ménage.
La définition des violences conjugales et familiales n’existe pas dans le droit pénal hongrois. C’est au Juge de qualifier les actes de maltraitance, coups et blessures, vandalisme,... Les formes d’abus sont variés. Ces actes ont souvent des antécédents, cas de violences multiples qui se manifestent d’abord autrement que par les violences physiques.
En Hongrie, on rencontre fréquemment des situations où un couple divorcé continue de vivre sous le même toit faute de ressources suffisantes. Cette vie commune «forcée» génère des difficultés supplémentaires, à quoi s’ajoutent souvent l’alcool, les échecs professionnels, les troubles psychologiques, la dépression, la jalousie, ... Le perdant, c’est la famille dans sa totalité. D’ailleurs, après avoir vécu des violences entre ses parents, l’enfant peut devenir à long terme lui aussi un agresseur. Le phénomène de la reproduction est en effet très fréquent.
Le juge va comparer sa perception des preuves recueillies pendant l’instruction à celles fournies par l’accusation. Le problème, c’est que le faisceau de preuves recueilli pendant l’instruction est souvent très faible, les documents rassemblés souvent incomplets et le travail de reconstitution des faits est chaotique. Toutefois, le droit pénal hongrois, réminiscence des codes soviétiques, est souvent trop strict, et la partie psychologique a tendance à être délaissée. Le droit n’est pas suffisamment nuancé pour traiter dans sa intégralité un acte de violence conjugale ou familiale. C’est donc au Juge d’arbitrer.
Ces échanges entre police et services judiciaires ont eu pour mérite de mettre en avant les faiblesses et points forts des procédures dans ces deux pays membres de l’UE. Des échanges qui souhaitons-le auront vocation à améliorer les dispositifs conjoints vers un meilleur traitement des violences faites aux femmes qui reste encore aujourd’hui un problème récurrent.
Gwenaëlle Thomas