De l’argent à prix d’or

De l’argent à prix d’or

La Hongrie est le troisième plus important marché en Europe centrale et de l’Est en matière de crédit à la consommation. Juste derrière la Pologne et la Roumanie. Ici, comme ailleurs, le principe de ce type de crédit repose sur un postulat de proportionnalité très simple, dit principe de Coluche, et qui s’énonce comme suit : « moins tu as d’argent, plus tu payes ! »

Un secteur dynamique malgré le ralentissement

Les banques et les organismes de crédit n’ont pas de soucis à se faire en ce qui concerne le crédit à la consommation. Le nombre de prêts personnels à libre disposition a doublé depuis 2005, le nombre de cartes de crédit en circulation augmente de 9,7 % chaque année ( et même si 78,9 % d’entre elles sont à débit immédiat il faut bien les alimenter…), tout comme le marché du leasing qui a progressé de 7,5 %, bref, malgré la stagflation qui pointe à l’horizon, l’optimisme est de rigueur chez les professionnels du pousse-au-crime.

En dehors du crédit immobilier, que nous n’évoquerons pas ici, si le Hongrois emprunte c’est à 50 % pour s’acheter une voiture. Toutes les marques vous proposent une foule de possibilités de payer votre voiture plus cher que ce soit pour leur propre compte, avec l’aide d’une filiale spécialisée du type Renault crédit ou en association avec un organisme spécialisé (comme par exemple Oster lizing qui doit être aujourd’hui la propriété de la Société Générale, spécialiste bien connue du placement à risque…). Les banques vous prêtent aussi volontiers de quoi rouler au-dessus de vos moyens pour peu que vous présentiez certaines garanties. Le problème du prêt automobile réside dans sa fréquence, on ne change pas très souvent de voiture quand on doit emprunter pour pouvoir se le permettre. C’est aussi un prêt assez risqué et les professionnels du secteur sont de plus en plus prudents malgré leur ardente volonté de faire du chiffre, d’où une certaine stagnation de cette activité au profit du leasing.

Dans le monde de la carte de crédit et du crédit revolving, les nouveautés fleurissent en toutes saisons. De plus en plus de cartes de crédit en co-branding et des produits de plus en plus ciblés, telle semble être la tendance en matière de plastique précieux. La palme d’or de l’innovation revient à la Budapest Bank pour sa Lady card, une carte qui, comme son nom l’indique, est réservée aux femmes. Cette carte est accompagnée de produits financiers spécifiques, une initiative marketing amusante, mais qui ne risque pas vraiment de faire de l’ombre à OTP, leader incontesté du marché.

Des clients de mieux en mieux protégés ?

S’il est certain que la nouvelle directive européenne sur le crédit à la consommation va permettre une harmonisation souhaitable, il est aussi évident que la tendance était déjà à la responsabilisation des banques et des organismes de crédit. Avec la mise en place d’un code de conduite en matière de crédit à la consommation, l’autorité de tutelle désirait favoriser des réformes spontanées d’origine interne plutôt que légales et imposées, mais le fait est qu’aucune loi ne protège le dépensier contre lui-même et que les règles peuvent être détournées. Pour le crédit automobile, les formules de location-vente peuvent se révéler particulièrement contraignantes sans que le consommateur puisse être réellement protégé. Le gouvernement hongrois à, par exemple, mis à plusieurs reprises l’accent sur la nécessité de bien informer le client avant que celui-ci ne soit lié. Bien informer le client ce n’est pas lui dire VA(Fi) =Fi(1+Zi)xi mais exactement combien va lui coûter son crédit. Et là, dans le monde entier, la tendance n’est pas toujours à la franchise totale même dans les pays où l’on affiche sans complexe des crédits avec un TEG (THM en hongrois) de 300%. Le taux effectif à beau être nommé global, il ne comprend pas toujours les assurances. En plus, ce TEG est souvent présenté dans les publicités avec un taux valable pour un emprunt d’une durée de 12 mois et qui le jour de la signature se révélera plus coûteux que prévu. De plus, en Hongrie, la plupart des prêts sont en devises étrangères (le franc suisse est, dit-on, très à la mode…) ce qui induit des coûts et une variabilité importante pour un client salarié en forints. Si le forint s’écroulait (ce qui n’est pas impossible du tout), la situation tournerait rapidement au cauchemar pour beaucoup de petits emprunteurs. Même si les banquiers sont de plus en plus soucieux de la solvabilité du client, de son information, voire de freiner leur tendance à l’unilatéralisme et aux abus de position, l’emprunteur est par essence dans une mauvaise situation puisqu’il est demandeur. L’absence d’associations de consommateurs efficaces en Hongrie est aussi préjudiciable qu’un vide juridique et à cela, aucune directive européenne ne peut remédier.

Xavier Glangeaud

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