Dans l’attente de la loi

Dans l’attente de la loi

La mise en vigueur d’une loi condamnant l'incitation à la haine et les propos diffamatoires se fait attendre

 

Le président de la République hongroise, László Sólyom, n’a pas encore entériné la loi qui permettrait de condamner les propos diffamatoires. Pourtant, le 29 octobre dernier, le Parlement a voté (à 184 voix contre 131) en faveur de l’introduction d’une nouvelle loi dans le Code Civil. László Sólyom a cependant décidé de faire valoir son droit de véto en renvoyant cette proposition de loi devant le Conseil Constitutionnel.

L’initiative de cette modification du Code Civil revient au Premier ministre Ferenc Gyurcsány. En août dernier, il avait ainsi annoncé durant une conférence de presse l’intention du gouvernement de modifier le Code Civil dans ce sens. Cette modification aurait pour but de mieux protéger les minorités des attaques formulées à leur encontre, que ce soit en raison de leur nationalité, de leur origine ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle. Selon cette loi, quiconque serait visé par un discours ou un acte diffamant, pourrait en rendre compte devant un tribunal. En outre, la loi habiliterait également les associations ayant pour objet la défense des intérêts des minorités, à entamer une procédure judiciaire.

Cette proposition de loi est issue d’un travail préparatoire mené en concertation par le ministère de la justice, Zoltán Lomnici, le président de la Cour de Cassation, et Mazsihisz, la Fédération des Communautés Juives de Hongrie, ces deux dernières instances ayant déposé une proposition de loi commune début juin.

D’après Gábor Gadó, secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la justice, la loi comble une carence juridique. Les droits de la personne étaient certes déjà protégés par le Code Civil mais, en cas d’injure, il n’était pas possible de recourir à la justice faute de réglementation plus précise.

Pourtant, selon le président de la République, la version actuelle du texte pourrait décourager les citoyens d’user de leur liberté de parole et limiterait largement la libre expression, un attribut pourtant indispensable en démocratie. Ainsi, explique-t-il, l’actuelle proposition de loi est-elle inconstitutionnelle, et, ce, pour plusieurs raisons.

D’une part, parce qu’elle chercherait à protéger des communautés plutôt que des individus. Ainsi, en cas de discours diffamatoire à l’attention d’un individu (personne physique), chaque membre de la communauté dont il est issu ainsi que les associations (personne morale) auraient également le droit d’entamer un procès. Par conséquent, on pourrait s’attendre à ce que des milliers de procédures juridiques aggravent l’engorgement des tribunaux. Autre problème, les personnes qui n’appartiennent à aucune minorité ne seraient donc pas protégées par cette nouvelle législation.

Outre les réticences du président de la République, cette loi exacerbe également les désaccords entre les partis. Ainsi le MSzP souhaite-t-il notamment introduire une réglementation plus stricte qui condamnerait les personnes tenant des discours diffamatoires à des peines allant jusqu’à deux ans de réclusion. Pour les libéraux, la question se pose différemment puisque le SzDSz conteste la limitation de la liberté d’expression. De même, après l’acceptation de la loi par le Parlement, plusieurs organisations civiles (Comité Helsinki, Association pour les Droits de la Liberté) ont également protesté contre une limitation disproportionnée de la liberté d’expression.

Maria Völgyesi

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