Dans la spirale de Hundertwasser

Dans la spirale de Hundertwasser


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Le Musée des Beaux-Arts de Budapest accueille jusqu’au 13 janvier 2008 de nombreuses œuvres inédites de l’artiste autrichien Friedensreich Hundertwasser (1928-2000). Peintre, architecte ou graveur, ce grand créateur inclassable du XXè siècle est aussi et avant tout un amoureux de la nature, une nature qui l’a inspiré et qu’il s’est efforcé de défendre. L’exposition, dont la «mise en scène» a été originalement pensée, met précisément en valeur la philosophie du maître ainsi que les multiples expérimentations techniques auxquelles il s’est adonné depuis l’adolescence jusqu’à ses dernières œuvres.

Dans une salle à l’éclairage tamisé, le spectateur est d’emblée surpris par la luxuriance des couleurs et le monde riche de fantaisies de Hundertwasser. Le contraste volontairement créé entre les couleurs vives des œuvres soigneusement éclairées et le gris sombre des panneaux sur lesquels celles-ci semblent flotter comme des feuilles sur leur branche - car elles sont décalées de leur surface, et exposées à notre hauteur, soit à 140 cm du sol - contribue à relever leur intensité et leur gaieté. Sans qu’on ne s’en rende compte réellement, le tapis de la même teinte grise sur lequel s’engage le spectateur - moelleux comme un chemin de forêt - fait office de guide à travers l’espace ingénieusement divisé par quatre longs panneaux d’acier ressemblant à quatre vagues sinueuses. Tout est donc pensé en termes de nature afin d’illustrer fidèlement la volonté de l’artiste, celle d’établir une harmonie entre l’homme et la nature. L’invention même de son nom relève de cette intention : né Friedrich Stowasser, l’artiste se rebaptise en 1949 Friedenreich Hundertwasser, autrement dit «le royaume (reich) de la paix (Frieden) aux cent (sto en slave est converti en hundert en allemand) eaux (wasser) ». Mais, le motif qui exprime le plus fortement l’idée de la nature est sans doute celui de la spirale, symbole de la vie et de l’évolution. Hundertwasser écrit à ce propos : «La spirale signifie à la fois la mort et la vie. En partant du centre de la toile, on va de la naissance à la mort qui se trouve aux extrémités du tableau et inversement.». Le parcours que doit suivre le spectateur à travers ces panneaux imite en quelque sorte, dans l’espace imparti de l’exposition, le chemin qu’invente l’artiste dans sa spirale. Ajoutons que la spirale qui apparaît pour la première fois en 1953 est aussi une façon pour le penseur d’affirmer son refus de la ligne droite, «un danger créé par l’homme car elle est étrangère à la nature de l’homme, de la vie, de toute création». On retrouve ce motif par exemple dans le tableau intitulé The small way (1991).

L’exposition s’ouvre par la découverte de quelques aquarelles de l’artiste adolescent (1943 à 1950) et s’achève par ses dernières œuvres dont la plupart n’ont été publiées qu’après sa mort. Elle présente plusieurs facettes de Hundertwasser, celle du peintre qui mêle les techniques et les matières, celle du créateur de timbres pour les Nations Unies sur la thématique des Droits de l’Homme, de cartes téléphoniques, de cerfs-volants japonais (japanese kites ), de tapis, mais aussi du graveur sur bois ou du graphiste. L’homme est un chercheur insatiable. L’exposition nous permet de découvrir le travail qu’il a fait en étroite collaboration avec les grands maîtres japonais de la gravure sur bois dans les portfolios intitulés Nana Hyaku Misu ou Seven Hundertwasser (1973) et Midori No Namida ou Green Tears (1975). Il a été en effet le premier Européen à avoir accès à ce savoir-faire ancestral. Notons que pour l’artiste, qui signe également de son nom traduit en japonais «Hyaku Mizu», les larmes ne sont pas un symbole de tristesse, mais, au contraire, celui de la joie. Hundertwasser écrit : «Là où tout est beau, l’homme doit pleurer». L’artisan de la couleur a été fasciné par le travail des graveurs japonais, mais également par une autre technique très ancienne venue aussi d’Asie, le «silk-screen» ou sérigraphie*. Il met cette technique en œuvre dans La Giudecca Colorata (imprimée en 1998, mais publiée en 2001) pour y exprimer, tel un magicien, la liberté et le bonheur de vivre à travers le chatoiement des couleurs. Un enchantement à ne pas manquer.

Milena Le Comte Popovic

Szépmûvészeti Múzeum,

Dózsa György út 41, sur la place Hôsök tere. Jusqu’au 13 janvier 2008.

Ouvert tlj sauf le lundi,

de 10 h à 17 h.

*sérigraphie : technique d’imprimerie qui utilise des écrans de soie interposés entre l’encre et le support.

 

Le Musée des Beaux-Arts de Budapest accueille jusqu’au 13 janvier 2008 de nombreuses œuvres inédites de l’artiste autrichien Friedensreich Hundertwasser (1928-2000). Peintre, architecte ou graveur, ce grand créateur inclassable du XXè siècle est aussi et avant tout un amoureux de la nature, une nature qui l’a inspiré et qu’il s’est efforcé de défendre. L’exposition, dont la «mise en scène» a été originalement pensée, met précisément en valeur la philosophie du maître ainsi que les multiples expérimentations techniques auxquelles il s’est adonné depuis l’adolescence jusqu’à ses dernières œuvres.

Dans une salle à l’éclairage tamisé, le spectateur est d’emblée surpris par la luxuriance des couleurs et le monde riche de fantaisies de Hundertwasser. Le contraste volontairement créé entre les couleurs vives des œuvres soigneusement éclairées et le gris sombre des panneaux sur lesquels celles-ci semblent flotter comme des feuilles sur leur branche - car elles sont décalées de leur surface, et exposées à notre hauteur, soit à 140 cm du sol - contribue à relever leur intensité et leur gaieté. Sans qu’on ne s’en rende compte réellement, le tapis de la même teinte grise sur lequel s’engage le spectateur - moelleux comme un chemin de forêt - fait office de guide à travers l’espace ingénieusement divisé par quatre longs panneaux d’acier ressemblant à quatre vagues sinueuses. Tout est donc pensé en termes de nature afin d’illustrer fidèlement la volonté de l’artiste, celle d’établir une harmonie entre l’homme et la nature. L’invention même de son nom relève de cette intention : né Friedrich Stowasser, l’artiste se rebaptise en 1949 Friedenreich Hundertwasser, autrement dit «le royaume (reich) de la paix (Frieden) aux cent (sto en slave est converti en hundert en allemand) eaux (wasser) ». Mais, le motif qui exprime le plus fortement l’idée de la nature est sans doute celui de la spirale, symbole de la vie et de l’évolution. Hundertwasser écrit à ce propos : «La spirale signifie à la fois la mort et la vie. En partant du centre de la toile, on va de la naissance à la mort qui se trouve aux extrémités du tableau et inversement.». Le parcours que doit suivre le spectateur à travers ces panneaux imite en quelque sorte, dans l’espace imparti de l’exposition, le chemin qu’invente l’artiste dans sa spirale. Ajoutons que la spirale qui apparaît pour la première fois en 1953 est aussi une façon pour le penseur d’affirmer son refus de la ligne droite, «un danger créé par l’homme car elle est étrangère à la nature de l’homme, de la vie, de toute création». On retrouve ce motif par exemple dans le tableau intitulé The small way (1991).

L’exposition s’ouvre par la découverte de quelques aquarelles de l’artiste adolescent (1943 à 1950) et s’achève par ses dernières œuvres dont la plupart n’ont été publiées qu’après sa mort. Elle présente plusieurs facettes de Hundertwasser, celle du peintre qui mêle les techniques et les matières, celle du créateur de timbres pour les Nations Unies sur la thématique des Droits de l’Homme, de cartes téléphoniques, de cerfs-volants japonais (japanese kites ), de tapis, mais aussi du graveur sur bois ou du graphiste. L’homme est un chercheur insatiable. L’exposition nous permet de découvrir le travail qu’il a fait en étroite collaboration avec les grands maîtres japonais de la gravure sur bois dans les portfolios intitulés Nana Hyaku Misu ou Seven Hundertwasser (1973) et Midori No Namida ou Green Tears (1975). Il a été en effet le premier Européen à avoir accès à ce savoir-faire ancestral. Notons que pour l’artiste, qui signe également de son nom traduit en japonais «Hyaku Mizu», les larmes ne sont pas un symbole de tristesse, mais, au contraire, celui de la joie. Hundertwasser écrit : «Là où tout est beau, l’homme doit pleurer». L’artisan de la couleur a été fasciné par le travail des graveurs japonais, mais également par une autre technique très ancienne venue aussi d’Asie, le «silk-screen» ou sérigraphie*. Il met cette technique en œuvre dans La Giudecca Colorata (imprimée en 1998, mais publiée en 2001) pour y exprimer, tel un magicien, la liberté et le bonheur de vivre à travers le chatoiement des couleurs. Un enchantement à ne pas manquer.

Milena Le Comte Popovic

Szépmûvészeti Múzeum,

Dózsa György út 41, sur la place Hôsök tere. Jusqu’au 13 janvier 2008.

Ouvert tlj sauf le lundi,

de 10 h à 17 h.

*sérigraphie : technique d’imprimerie qui utilise des écrans de soie interposés entre l’encre et le support.

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