Crise financière : des réformes à la hâte ?
Parmi les conséquences de la crise financière figure le retrait par le gouvernement de ses projets de lois sur le budget et sur les impôts, mais aussi la convocation d’un sommet national à propos de la soi-disant «gestion de crise». La probabilité réelle pour que la crise s’accentue met en lumière les faiblesses de l’économie hongroise et attire l’attention sur la nécessité de réformer les systèmes de financement sociaux, ajournée jusque-là. Une réforme rendue impossible par le manque de consensus et de vision commune.
Le Premier ministre, Ferenc Gyurcsány ; est de nouveau en forme : il apaise les marchés, encourage à « l’unité nationale » et insiste sur une intervention étatique massive. Ses propos ne sont pas nouveaux, nous les avons déjà entendus juste après les élections de 2006, alors que son «fameux» discours d’Ôszöd avait été rendu public et que la réduction du déficit abyssal était devenu inévitable. Aujourd’hui aussi il faudrait frapper un grand coup, mais les conjonctures politiques et économiques ne sont pas favorables. La hausse supplémentaire des impôts et/ou la réduction marginale des dépenses publiques n’ont plus de véritable intérêt. Il faudrait bien plus pour que le gouvernement regagne confiance et pour que le niveau de croissance économique atteigne le niveau relativement élevé des pays voisins.
Maintenant que la crise du marché hypothécaire secondaire est devenu une crise financière internationale, les acteurs des marchés financiers ont enregistré des pertes impensables jusque-là. Les gouvernements et les banques centrales du G7, à l’aide d’une intervention cordonnée et commune, tentent de reconquérir la confiance entamée ainsi que de renflouer les caisses, même si le succès escompté n’est pas vraiment au rendez-vous. Dans ce contexte, il est légitime que les investisseurs étrangers s’interrogent : ont-ils envie de continuer à financer la dette publique et la consommation des ménages en Hongrie ? Le système bancaire hongrois peut être considéré comme relativement stable, même si les maisons mères des banques sont actuellement en cours de recapitalisation. Ainsi, dans un pays si petit et si ouvert économiquement qu’il nécessite des crédits étrangers, il est important de suivre de près les risques encourus, essentiellement à long terme.
Les fondements économiques de la crise actuelle sont, d'un côté, liés au fait que les investisseurs étrangers considèrent le niveau d’endettement du pays trop élevé et, de l’autre, qu’ils ne croient pas qu’une baisse considérable des dépenses peut être réalisée parallèlement à une baisse du niveau de déficit. Il faut reconnaître que la politique économique du pays dans les années 2000 nourrit cette thèse. D’un côté, un nombre considérable de ménages s’est massivement endetté en devise et de l’autre, compte tenu de la forte dépendance du pays à l’export, ce dernier est très lié à l’évolution de la conjoncture mondiale. La fluctuation du cours du forint par rapport à l’euro est également un facteur important. Il existe déjà un précédent en Europe, en terme de cataclysme financier. On a été témoin de l’effondrement du système bancaire et du cours de la couronne islandaise (l’import est devenu trois fois plus cher). Certains analystes n’ont pas caché leur avis sur la question et considèrent la Hongrie comme la prochaine victime potentielle.
Bref, il faut agir, la récession internationale est déjà ante portas. Selon les partis politiques, les experts et les partenaires sociaux, réunis lors du sommet national du 19 octobre dernier (voir notre article p.XXXX), obtenir un accord n’a plus de fondement réel. De plus, il est impossible d’avoir une vision cohérente du futur à partir de toutes les conclusions du sommet. Si un investisseur prenait connaissance de toutes les idées fortement contradictoires émises à cette occasion, il prendrait sans doute la décision de retirer ses fonds des titres d’Etat, de se débarrasser de ses forints et de se séparer de ses actions de sociétés hongroises cotées en bourse.
Paradoxalement, dans une telle situation, il est plus facile de trouver un consensus (essentiellement concernant les lois qui nécessitent une majorité des 2/3). Le climat de crise et le sentiment du besoin d’agir vite œuvrent en effet dans ce sens. A cela, s’ajoute le fait que – pour cause de situation économique difficile, proche de la récession –, les élections de 2010 sont perdues d’avance pour les socialistes, minoritaires au pouvoir. D’ici là, il n’y aura pas de croissance économique pouvant générer, pour une large partie de la population, une amélioration sensible du niveau de vie. Ce serait pourtant la seule solution pour améliorer la popularité du gouvernement, après les mesures douloureuses des années 2006/2007. Selon la plupart des instituts de sondage, le Fidesz bénéficierait d’une majorité proche des 2/3.
En revanche, le nouveau budget présenté ces jours-ci, s’appuyant sur une réduction des dépenses marginales, oublie les baisses d’impôts précédemment annoncées. Ceci ne serait pas un problème en soi si un agenda avait été présenté pour une plus large refonte des réformes, touchant les avantages des privilégiés. Il apparaît que les sacrifices de cette couche de la population seront nécessaires pour les réformes structurelles.
Cependant, l’accord obtenu à une large majorité, a été occulté par le fait que le Premier ministre a beaucoup gagné avec cette crise. Le Fidesz a participé activement à un forum initié par Ferenc Gyurcsány, ce qui n’avait pas eu lieu depuis le discours d’Ôszöd. De plus, il renforce sa position dans le camp des socialistes et pourrait même obtenir plus facilement le soutien des libéraux pour le vote du budget. Pour ceci, il faut être ferme. Et c’est là la force de Ferenc Gyurcsány. Inutile donc de se plonger dans un quelconque scénario d’élections anticipées…
Pál Planicka
Traduit par Ági Ducrot
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