Cours du soir
Échos de la francophonie
La chronique de Dénes Baracs
Ce soir ou jamais – c’est un sympathique programme sur France 2 avec des invités choisis. Des artistes, des écrivains, voire des politiciens. Dernièrement – signe des temps – on voit parmi eux de plus en plus souvent des économistes. Ils sont en vogue depuis que l’économie va mal. Je connais le phénomène en Hongrie, mais je crois rêver: là aussi, il n'y aurait donc que dettes, chômage, stagnation, crise. Nous voilà enfin dans l'Union européenne si longtemps convoitée et elle serait déjà près de la banqueroute?
Récemment, étaient invités sur le plateau plusieurs économistes de renom. Parmi eux, Jacques Attali, ancien conseiller du Président Mitterrand. Le titre de son dernier ouvrage laisse rêveur: Tous ruinés dans dix ans? Mais aussi François Closets, auteur de livres sur les mauvaises habitudes de la société française. Il déclare qu’on va à la dérive si on ne change pas le cap. Et aussi cette dame élégante, Sophie de Menthon, candidate malheureuse à la présidence du MEDEF. Son livre satyrique, 15 idées simples pour ruiner la France, répertorie les coutumes économiques destructrices.
Le lendemain, dans l’émission de la très sévère Arlette Chabot, l’animatrice politique de choc, c’est M. Dominique Strauss-Kahn, l’ancien ministre des finances socialiste qui nous parle en duplex de Washington, depuis son bureau de directeur général du Fonds Monétaire International. Avec le Capitole américain en arrière-plan il nous explique le rôle „modeste” que l’institution conduite sous sa houlette a joué dans le sauvetage de la Grèce, ce mauvais élève de l’Europe, tombeur potentiel de l’euro, la monnaie unique, par son gaspillage irresponsable.
Pour tenter de passer à autre chose, je me tourne vers le cinéma, en direct du Festival de Cannes, mais en vain. Là, nous revoyons Michael Douglas dans la suite du film culte et prophétique des années 1980 concoctée par Oliver Stone: Wall Street. Le héros, incarné par Michael Douglas, Gordon Gekko, financier sans scrupule, proclame froidement: «La cupidité, c’est bon. Et en plus, c’est légal». Et je lis que le jeune acteur Shia LaBoeuf, qui joue aux côtés de Michael Douglas, a fréquenté les salles de marché. Il a lui-même placé 20.000 dollars en bourse et, deux mois et demi plus tard, il remportait 300.000 dollars. C’est si facile de spéculer et de gagner en Bourse, mais aussi de perdre.
J’apprends d’ailleurs que les gestionnaires des hedge funds, qui parient à court terme sur les marchés, n’ont jamais gagné autant d’argent que l’an dernier. Le Figaro a cité Absolute Return, bible de la profession qui a révélé que que les 25 premiers ont empoché en 2009 plus de 25 milliards de dollars, soit 3 milliards de plus qu’en 2007. Le hedge fund de “notre” George Soros, d’origine hongroise, avec 3,3 milliards de gains occupe la deuxième place du palmarès. Mais devons-nous leur imputer tous nos maux, à ces fameux spéculateurs qui attaquent maintenant l’euro? Un complot ourdi dans le cadre de dîners secrets? Ou bien géré par les fameuses agences de notation qui ont déclenché l’assaut contre l’euro en dégradant brutalement la note de la Grèce? Une telle décision met en mouvement quasi automatiquement les programmes des banques et des divers fonds d’épargne: tout le monde vend vite les bonds dégradés, ce qui fait baisser les cours plus encore…
C’est vrai, mais en fin de compte, les spéculateurs ne sont que des boucs émissaires. Ils ne spéculent pas sur notre faiblesse si nous ne vidons pas trop les caisses de nos entreprises ou de nos états (en déclarant en même temps qu’elles sont pleines), tout comme la raison d’être des agences de notation est de protéger nos investissements en indiquant leurs risques. Et c’est à Jacques Attali de nous expliquer que dans les derniers 20-30 ans, la croissance s'est faite par l’endettement – et cela ne peut pas continuer longtemps. François de Closets renchérit: les hommes politiques nous ont menti. En Argentine, cela a mené à la catastrophe de 2001. Maintenant, après l’Argentine, c’est la Grèce…
Le lendemain, c’est le directeur du FMI qui déclare, depuis son bureau de Washington que oui, il faut empêcher les spéculateurs de s’enrichir sur nos failles mais si nous mettons l’ordre dans notre économie, ils ne pourront lancer leurs attaques. Il a convaincu Angela Merkel de la nécessité d’aider les Grecs malgré leurs erreurs car il s’agit du sort de l’euro et de l’Europe. En même temps, les Grecs doivent se soumettre à une cure d’amaigrissement – ferme, mais graduelle, et donc supportable.
C’est donc ainsi que je m’instruis ces jours-ci, en suivant les propos des économistes qui parlent depuis ces studios situés à Paris. Ce n'est pas si loin: Budapest se situe quelque part entre Paris et Athènes – et pas seulement sur la carte.
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