Commémorations de 1956 : les troubles ne faiblissent pas

Commémorations de 1956 : les troubles ne faiblissent pas

Comme à chaque commémoration, les militants de droite défilent et les hooligans cassent. Plus d’un an après la divulgation de l’enregistrement révélant les mensonges du Premier ministre, les troubles à l’ordre public, limités mais constants, perturbent toujours la mémoire nationale.

 

«S’identifier à 1956, a dit le Président Sólyom, cela signifie s’identifier avec crédibilité, solidarité et confiance». Si la crédibilité est subjective et que la confiance ne manque certainement pas aux émeutiers, on peut affirmer qu’à l’occasion de cette commémoration, une fois encore, la solidarité nationale a clairement manqué.

La police a bien essayé de prendre les devants, en bouclant le quartier de l’Opéra, le parvis du Parlement, ou la place Szabadság, avec des dizaines de véhicules, des barrières et des troupes surprotégées, elle aura eu beau instaurer des contrôles de sécurité à proximité des lieux de mémoire, rien n’y aura fait : des violences auront encore entaché les commémorations de la révolution de 1956 à Budapest.

Le 22 octobre, la manifestation organisée par la Garde Hongroise, à laquelle devaient assister des leaders du parti Jobbik, a été balayée par la police. Le parcours prévu devait faire rejoindre aux manifestants l’Opéra au moment où le Premier ministre, Ferenc Gyurcsány, y tenait un discours commémoratif.

Environ deux mille manifestants se sont alors rendus sur Nagymezô utca, dernière rue libre avant le dispositif policier. Les émeutiers se sont faits recevoir par des canons à eau et par des grenades lacrymogènes alors que l’hélicoptère de la police procédait à ses rondes au dessus de la scène. Jets de cocktail Molotov et de bouteilles ont été suivis du renversements de quelques voitures au son de slogans anti Juifs et antigouvernementaux. Certains manifestants s’en sont pris à des journalistes qui couvraient l’évènement et un photographe de l’agence Reuters a été blessé.

Le lendemain, des dizaines de milliers de manifestants (30 000 selon la police, 250 000 selon les organisateurs), au son de «Hajrá Magyarok !» (En avant les Hongrois !), se sont regroupés à l’intersection d’Astoria, rendue piétonne pour l’occasion, à l’appel du parti conservateur Fidesz. Certaines personnalités hongroises de Transylvanie ou présentes à l’intronisation de la Magyar Gárda s'y trouvaient également. La foule est restée là plusieurs heures, un drapeau dans une main et le parapluie dans l’autre, afin d’écouter les discours successifs prononcés sur un ton solennel.

Ailleurs, c’est une rixe entre deux voitures qui a éclaté, les occupants de l’une des deux passant à tabac ceux de l’autre en les traitant de « sales Juifs ». Ils ont ensuite été interpellés par la police qui a trouvé un cocktail Molotov dans leur véhicule.

Un peu plus tard, et alors que lors de plusieurs manifestations commémoratives des manifestants scandaient des slogans antigouvernementaux, 200 autres se sont retrouvés sur la place Kossuth, devant le Parlement, visages masqués et ont affronté les forces de police présentes sur place à coups de bouteilles et de pierres contre gaz lacrymogènes et matraques.

Au-delà des polémiques, l’image du pays est largement écornée à l’étranger. Comme le note Jean Sévillia dans Le Figaro Magazine, «Budapest 2006 n'est pas Budapest 1956. Et pour cause. Ce n'est pas seulement la Hongrie qui a changé, c'est le monde.»

Péter Kovács

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