A cœur pur

Disparition de Krisztina Rády

 Sur scène comme dans la vie, il est difficile de discerner ce qui ne se produit pas sous les projecteurs. Les artistes adulés par une forêt de fans cachent souvent le petit arbre que peut être un organisateur de concerts ou d’événements, pourtant à la source de tous les projets. Krisztina Rády était de ceux-là.

Son décès, le 10 janvier dernier, dans sa maison à Bordeaux, à l’âge de 42 ans, replace ses projets liés à la culture au centre de l’actualité en France et en Hongrie. Cette budapestoise de naissance et de cœur, interprète et traductrice de formation, fut tour à tour organisatrice d'événements artistiques, directrice culturelle de l'Institut hongrois de Paris et plus récemment réalisatrice de documentaires pour la radio France Culture. Selon le directeur actuel de l'Institut hongrois à Paris, András Ecsedi-Derdák, cité par l’hebdomadaire hongrois HVG «Krisztina Rády était la dame incontournable des relations franco-hongroises d'aujourd'hui. Grâce à son travail inlassable, les programmes culturels hongrois sont sortis des murs et des cadres de l'institut, et des milliers de Français ont pu écouter les concerts de Félix Lajkó. C'est elle qui a eu l'idée de monter régulièrement des programmes sur un bateau amarré à un quai de la Seine, le Batofar, dont le succès a permis de créer, à Budapest, son pendant, l'A38». La liste de ses actions est longue et à géométrie variable, prouvant l’ouverture d’esprit de cette femme. D’abord traductrice, elle a travaillé sur de multiples ouvrages allant de la bande dessinée à la poésie en passant par le théâtre. Nous lui devons par exemple la traduction en hongrois de la BD Persepolis de Marjane Satrapi. Passionnée de littérature et de poésie, elle a traduit en français de nombreux textes du poète hongrois Attila József, notamment A cœur pur qu’elle a également mis en scène et qui a fait l’objet d’un livre-CD publié en 2008 aux éditions du Seuil. Côté musique elle dirigeait, avec Robert Lacombe, ancien directeur de l’Institut français de Budapest, une agence de production responsable de la programmation musicale française du festival Sziget, responsable pour le meilleur et pour le pire de la (qui a dit trop?) grande popularité du festival auprès du public français. En 2003, Krisztina Rády mit sur pied l’association Kristina à l’Ouest, ayant pour vocation à développer des projets à la croisée des arts, du théâtre aux musiques actuelles, en favorisant le travail en commun de musiciens, écrivains, metteurs en scène et comédiens. Plusieurs groupes hongrois et français ont pu jouer ensemble dans les deux pays, notamment Beshodrom de Budapest et les Touffes krétiennes de Bordeaux. Mariée au célèbre chanteur du groupe Noir-désir, Bertrand Cantat, sa mort met de façon inattendue la culture hongroise au centre de l’actualité de la presse française.

David Sauvignon