Charité bien ordonnée

A l’approche de Noël, les églises et associations caritatives redoublent d’efforts pour offrir des repas aux sans-abris ou organiser la collecte de denrées ou de cadeaux. Les Hongrois ont le choix entre de nombreuses actions caritatives à l’heure où de plus en plus de familles se trouvent dans une situation précaire.

Parmi les actions les plus spectaculaires, on compte “L’Usine du Père-Noël” (Mikulásgyár), aménagée depuis 2005 chaque mois de décembre sur la place Felvonulási (à côté de la Place des Héros) ainsi que dans douze centres commerciaux. Les organisateurs, en coopération avec la Croix-rouge hongroise, attendent des vêtements, des livres, des denrées non périssables ainsi que toutes sortes de cadeaux pour les distribuer aux familles en difficulté. Depuis cette année, les dons peuvent également être déposés à la poste avec la mention “Mikulásgyár” sur les paquets. La Croix-Rouge hongroise tenant un registre des familles les plus démunies, les paquets seront transmis aux enfants qui ne recevraient guère de cadeaux sans l’aide du Père Noël.

Ces enfants sont également les principales cibles de l’action des “boîtes à chaussures” (cipôsdoboz) que l’Assosiation caritative des baptistes organise depuis 2004. Elle s’inscrit dans le mouvement international “Operation Christmas Child” et reçoit une attention grandissante chaque année. Pour y participer, il suffit de remplir une boîte à chaussures de cadeaux et d’indiquer à qui elle est destinée (“garcon de 7 ans” ou “fille de 10 ans” par exemple). Les boîtes peuvent ensuite être déposées dans l’un des 80 relais du pays: à Budapest ils se trouvent d’une part sur le stand des baptistes devant le centre commercial WestEnd, mais aussi dans la plupart des mairies d’arrondissements et au zoo. Plus de 16.000 boîtes ont été offertes l’année dernière dans le pays et leur nombre est en constante augmentation. De même que pour les dons faits à l’Usine du Père Noël, les boîtes peuvent désormais être postées à l’attention de “Nagykarácsony 2425” (Grand Noël 2425) et grâce au partenariat de la compagnie de transports aériens Malév, environ 2500 boîtes seront livrées en Roumanie et offertes aux enfants hongrois de Transylvanie.

Les actions se multiplient également au sein de l’Association caritative de l’Ordre de Malte qui, grâce a son réseau très étendu dans le pays, aide les sans-abris et les familles pauvres tout au long de l’année. Elle est propriétaire de nombreuses auberges pour sans-abris, auxquels elle sert régulièrement des repas gratuits, de maisons de retraite mais aussi d’ambulances. Disposant d’une grande expérience dans l’aide des populations les plus démunies, ils préfèrent mettre l’accent sur la contribution financière des citoyens au lieu de solliciter une aide matérielle. Ses activistes sont présents par exemple sur les marchés traditionels de l’avent, où ils vendent des produits artisanaux pour récolter de l’argent, et organisent des collectes dans les sandwitcheries Subway destinées à offrir des repas aux enfants les plus pauvres. Par ailleurs, grâce à leur coopération avec une fondation caritative privée, une contribution de 250 HUF sera offerte à l’association après chaque appel au numéro de téléphone 1752 et une partie du prix d’un paquet de café Douwe Egberts Omnia leur sera également reversée.

Les occasions ne manquent donc pas en Hongrie pour contribuer à des actions caritatives. Quant aux effets de la crise économique sur la générosité des citoyens, les opinions à ce propos divergent chez les dirigeants des différentes associations. Tímea Kalla, activite baptiste, considère que les offres seront plus nombreuses cette année puisque, dit-elle, de plus en plus de citoyens étant contraints à faire des économies, à mesure qu’ils expérimentent combien la situation des pauvres est difficile, ils augmenteront par conséquent leurs efforts pour aider les plus démunis. En revanche l’heure est plutôt au pessimisme parmi les membres de l’association caritative de l’ordre de Malte, dont les dirigeants ont organisé une conférence de presse le 6 novembre dernier pour attirer l’attention des médias sur les lourdes conséquences de la crise économique sur leurs activités. Le père Imre Kozma, président de l’association, a fait savoir que les auberges de sans-abris étaient déjà complètes début novembre, un phénomène sans précédent qui illustre bien l’augmentation du nombre de sans-abris dans le pays et la gravité de la situation. De plus, il a vivement critiqué le projet de budget pour l’année 2010 qui consacre 20 milliards de HUF de moins qu’en 2009 à la subvention des actions caritatives, alors même que les besoins auquelles ces actions répondent seront bien plus nombreux encore l’année prochaine. Il considère en outre que les changements des taux de T.V.A. introduits cet été favorisent les couches aisées de la société et non pas les pauvres, comme le gouvernement le prétend. Selon lui, si l’unique taux de 20% a été élevé à 25% pour la plupart des produits mais diminué à 18% sur l’alimentation dite de base (produits laitiers et de boulangerie), ce sont les familles riches, qui consomment beaucoup de fromages et de yaourts, qui en bénéficient le plus. Pour cela, il a rappelé que la pauvreté touche plutôt les habitants des petites communes de la campagne, où les hypermarchés offrant les prix les plus bas ne sont guère présents. Ces habitants doivent ainsi faire leurs courses chez les petits commerçants qui affichent des prix plus élevés pour être rentables. L’association a également demandé au gouvernement de mettre fin à l’imposition des dons des citoyens (une mesure introduite cette année par le gouvernement Bajnai) pour inciter ainsi les citoyens à montrer plus de solidarité envers leurs compatriotes dans le besoin. Le budget de 2010 reste pourtant dominé par la volonté de redresser les finances du pays et ne tient pas compte de toutes ces exigeances.

Anna Bajusz