C’est mon plus beau rôle
Un heureux événement
Loin des clichés sur le bonheur parfait de la maternité, le réalisateur Rémi Bezançon, revient à travers son dernier film sur les vicissitudes du couple face à l’arrivée d’une petite fille. Appartenant à cette nouvelle vague du cinéma français, il dresse un portrait très cru sur les joies et les contraintes pré et post natales, avec beaucoup d’humour et d’authenticité. Nous l’avons rencontré pour évoquer son film, le casting ainsi que ses projets en cours et à venir.
JFB : Un heureux événement est votre 3ème long métrage, il vient à la fois clore un triptyque et faire office de transition à votre film d’animation, Zarafa (sorti le 8 février en France). Vous y avez d’ailleurs glissé des clins d’œil pour chacun de vos films…
Rémi Bezançon : Oui en effet, c’est un petit jeu avec moi-même. J’apprécie en tant que spectateur, que les réalisateurs insèrent des petits clins d’œil dans leurs films … ça ne me sors pas pour autant de l’histoire, bien au contraire, je m’y attache. Ensuite initialement, je ne voulais pas faire un "triptyque", mais avec le recul, il est vrai que chacun s’emboite dans le suivant. Sur mon premier, Ma vie en l’air, l’histoire du couple qui se forme, la dernière scène s’achève sur une plage. Puis dans le second, Le premier jour du reste de ta vie, tout débute sur une plage avec un film de vacances, et se termine pas un test de grossesse…
JFB : Pourquoi avoir choisi d’adapter un roman après avoir été l’auteur de vos deux premier films?
R.B. : Je ne voulais pas écrire sur le sujet. Néanmoins, je crois que c’est la première et la dernière fois que je le fais ! Je me suis aperçu, en le faisant, que l’adaptation d’un livre n’était pas pour moi. Même si je suis très fier du résultat, que je le considère comme mon film à part entière, je me sens davantage auteur… Toutefois, je voulais vraiment traiter ce sujet. Je pense que j’aurais perdu toute crédibilité en évoquant la maternité, à la première personne, d’un point de vue féminin, alors que je suis un homme sans enfant! C’est la raison pour laquelle j’ai adapté ce livre.
JFB : A plus forte raison pour un auteur, la réalisation nécessite de faire quelques concessions…
R.B. : Non, je me suis assez éloigné du roman, même si je transmets le témoignage d’Eliette Abécassis (l’auteur), qui en plus raconte sa vie! Je ne pouvais pas la trahir. Cependant dès le début, je lui ai dit que certains aspects allaient changer, notamment pour le personnage de Barbara. Dans le roman, elle était très ancrée dans la religion mais, n’étant pas de confession juive je ne me sentais pas la légitimité d’aborder le personnage sous cet angle.
JFB : Pourquoi avez-vous choisi Pio Marmaï et Louise Bourgoin pour incarner le couple, tout deux étant sans enfants ? Est-il vrai qu’à l’origine ils devaient tourner dans le prochain film de Jean-Paul Rappeneau, et qu’à défaut d’avoir le financement, il vous a "redonné son casting"?
R.B. : Non, ça ne s’est pas fait comme ça. J’ai d’abord écrit le rôle pour Pio, avec qui j’avais travaillé sur "Le premier jour…". Ensuite, j’ai fait un casting pour trouver celle qui interpréterait Barbara. Louise était à la fois celle qui été la plus préparée et la plus motivée. Donc, je lui propose le rôle, et je lui apprends que Pio allait être son partenaire, et là elle me répond : "C’est bizarre, on doit faire un film avec Jean-Paul Rappeneau ". J’adore ce que fait Rappeneau et c’est quelqu’un que je respecte beaucoup… Mais du coup c’est vrai que ça paraît bizarre, je ne peux pas prendre le même casting ! D’autant que Josiane Balasko (qui joue le rôle de la mère) fait également parti de son casting ! Donc…je suis un peu embêté, je commence à chercher une alternative, puis j’apprends que Jean-Paul arrête son film puisqu’il ne trouve pas les financements nécessaires. On s’est rencontré peu de temps après, pour l’avant première d’Adèle Blanc-Sec (dans lequel Louise Bourgoin tient le premier rôle d’ailleurs), et il m’a dit être au courant du casting que nous avions en commun. Il n’y a pas eu de "passage de témoin" ! Je suis triste pour lui… sincèrement. Quelqu’un comme Jean-Paul Rappeneau qui ne trouve pas de financements aujourd’hui… alors que certains humoristes notamment ont tout ce qui veulent… ça me désole ! Jean-Paul Rappeneau c’est tout de même le premier assistant de Claude Sautet !
JFB : Dans le même temps, vous choisissez deux actrices débutantes, Anaïs et Daphné, pour les seconds rôles. Pourquoi ce choix ?
R.B. : L’envie de voir de nouvelles têtes au cinéma. Déjà lors du casting pour les jeunes sur "Le premier jour …", j’avais choisi Pio qui débutait, ainsi que Marc-André* et Déborah* qui avaient néanmoins joué respectivement dans Crazy et L’Enfant, mais sans être très connus… Après, et particulièrement pour les castings de second rôle, on retrouve assez souvent les mêmes personnes, donc dès le départ j’avais envie de changer de têtes ! Anaïs, je l’ai rencontré lors d’un de ses concerts, on partage les mêmes goûts musicaux, elle a la pêche… c’est exactement ce que je recherchais. Et pour Daphné Bürki, le critère de sélection a été physique ! Je cherchais quelqu’un qui pouvait faire "le passage" entre Josiane Balasko (sa mère) et Louise Bourgoin (sa sœur), Daphné était parfaite! (Rires).
JFB : On retrouve également Thierry Frémont qui joue un rôle un peu à la Gilles Lellouche dans Ma vie en l’air.
R.B. : Oui, c’est vrai. Je l’ai rencontré sur mon film d’animation Zarafa, il y joue le rôle du méchant. J’ai débuté ce travail avant Un heureux événement, puisque le montage nécessite beaucoup plus de temps. Et Thierry…c’est un super acteur ! C’est un comédien issu du théâtre, très précis et qui même lorsqu’il a un petit truc à faire, le fait à fond !
JFB : Est-ce qu’il y a eu un travail en amont pour construire une complicité dans le couple ?
R.B. : Oui, en fait ils m’ont fait un beau cadeau. Dès le moment où Pio a su que Louise allait être sa partenaire, il l’a tout de suite sollicitée pour aller boire des coups, se voir un maximum, justement pour construire cette complicité, et que pour le spectateur sente cette crédibilité du couple. Et dès le premier jour de tournage, ça l’a fait ! J’ai immédiatement su que le couple existait et que le spectateur pouvait y croire.
JFB : Avez-vous rencontré des difficultés pour tourner certaines scènes, notamment celles avec les nourrissons ?
R.B. : Oui, d’autant plus que l’on a fait quelque chose qui, je pense, doit être très rare dans une fiction. On a tourné avec un nouveau-né qui avait à peine un jour ! Il était né 10h avant! Donc, il est vrai que ça a demandé beaucoup de préparation, de temps, … parfois c’était compliqué, voire une grande contrainte, j’avais l’impression que l’on me mettait des chaînes. Tout le tournage était pensé en fonction des bébés, nous avions une nurserie, des nounous,… Lorsque le bébé avait faim, on arrêtait tout, s’il pleurait, on arrêtait tout, … Je suis content de l’avoir fait mais… je ne le referais pas ! (Rires)
JFB : Quels messages souhaitez-vous véhiculer au travers de ce film ?
R.B. : C’est un témoignage que l’on s’approprie. Le film montre qu’avoir un enfant c’est beaucoup de bonheur, c’est la plus belle aventure au monde mais pas uniquement. Le film va également à l’encontre de ces idées reçues, de "l’heureux événement", du "plus beau jour de ma vie", … C’est quelque chose qui m’agace, ce cliché du magazine avec l’actrice et son bébé qui confesse : "C’est mon plus beau rôle"… (Rires). C’est toujours un peu tabou de désacraliser la maternité, mais il y a tout de même une réalité, 20% des couples se séparent après une grossesse, ce qui représente un chiffre hallucinant! Le film a un aspect préventif, sans être moraliste, pour déculpabiliser les mères, les pères,… de leur dire qu’on a le droit de craquer, que ce n’est pas toujours facile. Et c’est pour toutes ces raisons que j’ai fait ce film, avec une dose d’humour et d’ironie. Le film a subi des critiques, mais je ne fais pas du cinéma social ! Pour moi, l’essentiel, ce sont ces rencontres lors des projections avec les couples, les femmes enceintes ou les papas, qui m’ont dit s’être reconnus dans le film. C’est un peu un miroir qui nous renvoie à nous-mêmes.
JFB : Pourquoi vous êtes vous dirigé vers l’animation pour Zarafa?
R.B. : J’adore les films d’animation. Le premier film que j’ai vu de ma vie c’était Peter Pan ! Ça m’a marqué, y compris les thèmes qui y sont véhiculés. Ensuite, il y avait cette histoire qui me plaisait beaucoup entre un enfant et la première girafe de France ! Et puis, pour moi le meilleur moyen de la raconter c’était de la faire vivre en animation, un peu comme les films de ma jeunesse, les Disney, à l’image des Aristochats ou du Livre de la jungle, plutôt qu’en images de synthèse ou en 3D. Il plaît d’ailleurs autant aux enfants qu’aux parents, pour son coté carnet de voyage. Je suis très content, le box office fonctionne très bien et nous allons réitérer l’expérience avec Jean-Christophe Lie (coréalisateur).
JFB : Quels sont vos projets à venir ?
R.B. : J’ai écrit un scénario avec Jean-François Alain, le scénariste d’OSS 117 qui était également l’un des auteurs des Guignols de l’info sur Canal +. Ce sera sur la crise de la quarantaine, une sorte d’American Beauty mais davantage tournée vers la comédie, qui s’intitulera No Future. C’est l’histoire d’un type de 40 ans qui rencontre l’un de ses ami d’enfance, ils vont régresser et reproduire un peu les fêtes de l’époque, une sorte de voyage dans le temps immobile. C’est un film sur un thème qui revient assez souvent, le temps qui passe. J’aimerais débuter le tournage l’année prochaine, si tout se passe bien. Et oui, c’est long le cinéma!
Julien D.
*En 2009, Déborah François et Marc-André Grondin ont tout deux reçu, les Césars de meilleur jeune espoir, pour leur rôle dans Le premier jour du reste de ta vie.
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