Carlos II (1661-1700) ou le Crépuscule des Rois

Carlos II (1661-1700) ou le Crépuscule des Rois

Vu à Vienne

 

Marie-pia Garnier

Pour ceux qui aiment la grande peinture à l’huile - c’est bien difficile mais tellement plus beau que la peinture à l’eau - la pinacothèque du Kunsthistorishes Museum de Vienne est un bonheur. Bien sûr, c’est aussi bateau-mouche que d’écrire qu’à Paris il faut visiter le Louvre, mais que voulez-vous, ces grands musées-là sont tout simplement incontournables. Partout en Europe où les Habsbourg ont gouverné, partout où ils se sont mariés, ils ont toujours collectionné localement avec un goût assez conventionnel pour les grands maîtres. Au fil des siècles et jusqu’à la prise de Vienne par Napoléon en 1809, ils ont ainsi amassé d’une branche dynastique à l’autre, une étonnante collection à la fois riche et incomplète (pas ou très peu d’art d’avant la Renaissance, de peinture française ou anglaise par exemple…). Après le sac de Vienne et de Prague, ils achètent moins, centralisent les œuvres disséminées dans tout l’Empire et réorganisent leurs collections en vue de les exposer. En 1871 commence donc, sur la toute nouvelle Ring Strasse et dans l’exact prolongement de la Hofburg, la construction de deux gigantesques musées impériaux qui, bien au garde à vous, se font face.

Mais revenons à l’actuelle pinacothèque et… à cet étrange tableau de famille. Est-ce un homme ? Est-ce une femme ? C’est un roi et c’est le dernier de la dynastie des Habsbourg d’Espagne. Doux Jésus, de quelles malformations congénitales supplémentaires pouvaient donc souffrir ces quatre pauvres frères morts avant l’âge adulte ? Celui-ci était prognathe, acromégale, débile, incapable de marcher et encore moins de sauver l’Espagne des siècles de plomb qui allaient engloutir son Âge d’Or. Ce portrait morbide et crépusculaire peint en 1685 par un Juan Mirando de Carreno à la fin de sa vie, nous toise pathétique et altier jusqu’au bout de son interminable menton. On l’imaginerait plus volontiers enfermé dans un petit cabinet des curiosités mais…Royauté Oblige. Un Habsbourg de sang sacré reste avant tout un Habsbourg devant lequel chacun doit s’incliner. Et Ô Laid !

 

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