Budapest-Paris-Budapest

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La galerie Erdész&Makláry expose depuis deux ans déjà des artistes hongrois vivant en France. Coproprétaire de la galerie, historien d’art et collectionneur, Kálmán Makláry regarde son activité comme une mission: faire connaître une part inconnue de l’art hongrois en Hongrie. Or, sa tâche n’est pas aisée: connus en France, oubliés en Hongrie, les peintres et les sculpteurs d’origine hongroise n’avaient pas particulièrement envie de conquérir leur pays natal. Le JFB a rencontré Kálmán Makláry au marché d’art classique et contemporain, Art Fair, au Mûcsarnok, qui a dédié cette année une grande partie de son exposition à la France.

Image retirée.

JFB: Vous avez quitté la Hongrie il y a vingt ans, à l’âge de 19 ans, pour vivre à l’étranger. Pourquoi avez-vous finalement décidé de gérer la carrière d’artistes hongrois ?

Kálmán Makláry: Avant de finir l’université aux États-Unis je voulais passer un an à Paris, où j’ai découvert qu’il y avait beaucoup d’artistes hongrois intéressants. J’ai interrompu mes études pour travailler à l’Institut Hongrois de Paris et pour y organiser des expositions. Finalement, la rencontre du peintre Tibor Csernus a déterminé ma vie. J’ai commencé à le rendre de plus en plus populaire hors de France, notamment en Italie. Parallèlement j’ai monté ma propre collection et petit à petit j’ai commencé la présentation de ces artistes en Hongrie, où ils étaient presque complètement inconnus.

JFB: Comment les artistes ont-ils réagi à votre idée de les faire connaître en Hongrie ?

K.M.: A quelques exceptions près, par exemple István Sándorffy, ils étaient tous critiques. Chacun avait des excuses différentes. Par exemple Simon Hantai ne m’a jamais permis de publier un livre sur lui en hongrois. En effet, il a décidé de mettre un terme à sa carrière en 1982, lorsqu’il a remporté la biennale de Venise pour la France. Depuis ce succès, il ne peint plus et ne communique plus avec la presse. Une autre peintre, Judit Reigl, qui a quitté la Hongrie en 1950, pensait que la scène culturelle hongroise ne s’intéressait pas à son art, car jusqu’en 2005 elle avait été présentée à deux reprises en Hongrie, mais à chaque fois en tant qu’artiste française dans des expositions collectives. Une fois, j’ai acheté l’une des ses oeuvres qu’elle a voulu me racheter car elle pensait que j’étais un imple marchand qui cherchait seulement à faire du profit avec sa peinture. Il faut savoir que Judit Reigl vit dans un 20m2 malgré sa réputation internationale. Elle ne s’intéresse pas à l’argent, mais en revanche elle ne peut pas supporter que ses oeuvres finissent dans des mains de néophytes. Elle m’a donc appelé pour racheter cette peinture que je ne voulais pas rendre. On a donc fixé un rendez-vous et quand elle a fait ma connaissance, j’ai réussi à la convaincre d’organiser pour elle une exposition au Mûcsarnok et, depuis cette histoire, nous la représentons exclusivement.

JFB: Quels talents ont été découverts par votre galerie ?

M.K.: Mon plus grand succès a été la popularisation d’Alfréd Réth qui avait été oublié après sa mort malgré une grande renommé de son vivant. Grâce aux livres et aux expositions dédiées à son oeuvre, le prix de ses toiles a décuplé en seulement quelques années. Par aileurs, cette année encore j’ai vécu une expérience qui jusqu’à présent n’aurait jamais pu avoir lieu en Hongrie : lors du Salon des Collectionneurs où nous avons présenté Judit Reigl, les autres galeristes ont amené leurs clients à notre stand pour leur faire découvrir son oeuvre. De plus, grâce à cela nous avons été invités à participer à deux marchés d'art très importants: Art Paris et la FIAC.

JFB: Est-ce que les collectionneurs hongrois osent investir dans ces artistes s’ils ne sont pas populaires en Hongrie ?

K.M.: Heureusement internet rend plus facile cette démarche. Les collectionneurs hongrois cherchent les noms hongrois sur les enchères online et sur le site des galeries étrangères, car en général ils les trouvent moins chers à l’étranger. Lors de leurs recherches ils découvrent ainsi l’offre internationale. Cependant, contrairement à la France, 90% des collectionneurs hongrois achètent plutôt aux enhères que dans les galeries, et pour notre part, nous ne faisons pas d'enchères.

JFB: Alors comment attirez-vous les collectionneurs ?

K.M.: Nous essayons de collaborer avec les autres galeries de la rue Falk Miksa. C’est ainsi que l’on a eu l'idée d'organiser la Nuit des Collectionneurs chaque trimestre. De 8000 à 10 000 personnes participent à l’événement tandis que seulement 100 à 300 personnes se rendent à un vernissage. On ne compte pas uniquement sur les collectionneurs, mais aussi sur les jeunes qui ont envie de cultiver leur goût. Le marché de l’art est comme la mode: il ne faut pas le suivre, il faut le créer !

 

 

Propos recueillis par Judit Zeisler

 

 

Galerie Erdész&Makláry

10 Falk Miksa, 5e arrt.

Vernissage de l'exposition de Robert Marcel, un photographe contemporain d'origine hongroise, le 29 novembre lors de la Nuit des Collectionneurs.

 

 

Tibor Csernus: Il vit à Paris depuis 1964 où il expose régulièrement à la célèbre galerie Claude-Bernard. Ses peinture trans-avangardistes et neo-classicistes inspirées par Caravage lui ont assuré un succès international.

 

Simon Hantai: Un an après son arrivé à Paris il a adhéré au groupe surréaliste d'André Breton. Comme de nombreux membres de ce groupe, il a développé le soi-disant style „écriture automatique” (quand l'artiste crée dans un certain état d’âme où son geste est guidé par ses insticts). Hantai devient célèbre grâce à ses toiles pliées et/ou enterrées, peintes à l’„aveugle”.


Judit Reigl: André Breton organise sa première exposition et elle rejoint les Surréalistes, mais elle est trop autonome pour supporter longtemps les cadres fixés par l'écrivain. Elle poursuit son parcours en solo, ce qui lui a plutôt bien réussi puisque le Centre Pompidou a fait l’aquisition de 37 de ses toiles et l’année dernière, la Tate Modern a acheté deux de ses peintures.


Alfréd Réth: Débarqué à Paris en 1905, l'art de Cézanne a une influence significative sur lui. Il fait ensuite partie du groupe des cubistes dès ses débuts et expose ainsi avec Braque, Léger, Gris ou Kandinsky.

 

István Sándorffy: Il vit en France depuis l'âge de 10 ans. Il s'inspire de son propre corps pendant 15 ans dans ses peintures et, encore à l’heure actuelle, le corps nu reste l'un des motifs récurrents de ses toiles. Les collectionneurs arabes, américains et français s'arrachent ses oeuvres tellement vite que le public a rarement l'occasion de les voir exposées.

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