Budapest parcours par Emmanuelle Sacchet

Budapest parcours par Emmanuelle Sacchet


XVIIe arr. ou la Rákosmania Image retirée.


 

Sauriez-vous de mémoire identifier où se situe le XVIIe arrondissement ? L’argot hongrois qualifie de «borzasztó» (terrible) le temps pour s’y rendre car c’est vraiment loin, direction grand Est, au dessus de l’aéroport Ferihegy; bien après Kôbánya et c’est peu dire. Même ma plume fourrageuse n’avait jamais fait couler d’encre sur ce Finistère de Budapest. Sur carte, ses quartiers portent le préfixe Rákos puisqu’ils s’étendent sur les deux côtés de la rivière du même nom, un cours d’eau à vrai dire. Eh bien figurez-vous que ces Rákos sont une découverte sensationnelle. Peu de gens savent que le XVIIe est situé à la même altitude que le mont Gellért, que l’air y est ainsi excellent, sans zone industrielle ni embouteillages.

L’arrondissement a été formé des communes indépendantes des alentours et l’ensemble a été rattaché à l’agglomération de Budapest en tant que XVIIe en 1950; de fait, l’impression provinciale de ces contrées au caractère agricole. D’immenses champs cultivés bordent des maisons à base carrée alignées comme des cités ouvrières. Deux d’entres elles ont la particularité d’avoir des numéros comme noms de rues. Ainsi, de la place 525 de l’Akadémia újtelep partent les rues 500 à 543 ! De même dans l’ancien terrain de l’Akadémia, les rues sont en chiffre romain, de I à XXVII. De charmantes maisons de campagne y sont plantées dans les sapins tant il est vrai que ces terres desservies par le train abritaient les villégiatures de week-end d’autrefois. L’on peut s’en rendre compte en se perdant dans le quartier de Rákos-keresztúr, un havre de paix absolu où les plus belles découvertes guettent le visiteur aventurier. Telle cette belle bâtisse bourgeoise, fin XIXe, de la rue Báthory qui n’est rien moins qu’un musée. L’ancienne demeure de la poétesse Erdôs Renée abrite aujourd’hui une sorte d’écomusée sur les traditions populaires de l’arrondissement. Dans le jardin et sur trois étages, le sculpteur József Benedek était tout à l’accrochage de trente années de sculpture, dont certains projets ont fleuri les ronds-points de nos capitales européennes.

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul dans ce genre de balade où les sens sont à l’affût, une jeune femme est sortie de son bureau pour me livrer quelques trésors des environs. Mária Hódos est historienne, évidemment. Elle m’entraîne aussitôt dans une villa où Béla Bartók a habité vingt ans. C’est un lieu d’exposition où de nombreux concerts de grande qualité sont également donnés. Bien plus «typiquouche» que d’aller dans sa villa du IIe, non ? Le quartier est chargé d’Histoire manifestement. La découverte de l’un des trois cimetières juifs abandonnés est saisissante. A l’angle des rues Hunyadi et Ferihegyi, au beau milieu des habitations, un enclos de verdure barbelée cache des pierres tombales dont les dates s’arrêtent dans les années quarante. Avant la création du district, une large communauté juive vivait harmonieusement avec les Slovaques et les Souabes d’origine allemande.

Vous comprendrez qu’il ne faut pas s’arrêter aux premières H.L.M bordant les débuts de l’arrondissement. Et encore, celles-ci forment les contours d’une vie de quartier somme toute très bonne enfant. Adieu cités dortoirs communistes de nos images d’Epinal, l’énergie est à tous les étages si l’on en croit les micro boutiques système D proposant presque tout. Des trésors d’imagination sont inventés pour inciter le chaland à pénétrer dans une zone que l’on conçoit privée. Guirlandes de Noël, panneaux faits main, mannequins, vitrines grillagées, peinture criarde… Certaines fenêtres personnelles sont ainsi décorées de grands messages fleuris ou fluorescents, autant de numéros de téléphones donnant en veux-tu, en voilà, des instituts de beauté, coiffeurs, rempailleurs, réparateurs en tout genre, spécialistes de la machine à coudre, massages, produits bio, chapeliers… Et si cela ne suffit pas, les poteaux enflés d’annonces prennent le relais en proposant travaux de qualité, dressages canins, méthodes de langue miracles, permis de conduire bradés, 73 m2 pour 11 millions, 40 kg de pommes de terre à 25 huf le kilo, un mobile home presque neuf, etc.

En allant plus avant donc, jusqu’aux extrémités du XVIIe, là où fleurent bon l’automne et les feux de feuilles roussies, il est assez plaisant de découvrir les grands espaces verts, les petits lacs, les animaux dans les prés, les gens qui marchent avec leurs sempiternels sacs plastique, les nouveaux complexes immobiliers surgis dans la Pampa, les champs à perte de vue… Jusqu’à tomber sur ce fameux panneau Budapest barré d’un oblique trait rouge. Cet entre-deux, entre la dite ville et la dite campagne fera, à lui seul, l’objet d’un nouvel article. En attendant, ce paysage vers l’extérieur est en train de changer puisque l’on tombe forcément sur la construction du projet de l’autoroute M0, ce grand périphérique attendu impatiemment, où flottent les étoiles jaunes sur fond d’Europe bleue, notre Histoire d’aujourd’hui.

Pour se rendre dans le XVIIe donc, le plus simple est de prendre la Kôbányai út (dans le prolongement de Baross utca) qui passe devant le marché chinois et de rouler trente bonnes minutes toujours tout droit. Sinon, prendre le train de la gare Keleti direction Szolnok jusqu’à l’arrêt d’un Rákos quelconque, le «hegy» semblant une valeur sûre. Sur place, des centaines d’arrêts d’autobus empêchent quiconque d’être précisément au bout du monde !

Erdôs Renée Ház

1174 Budapest Báthory u. 31

258-4693 / 14h-18h sauf lundi

Rákoshegyi Bartók Zeneház

1174 Budapest Hunyadi u. 50

www.bartokzenehaz.hu

 

budapestparcours@yahoo.fr

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