Budapest mise à jour
Budapest parcours
Par Emmanuelle Sacchet
Rien de tel que l’été et ses petits jobs inattendus pour découvrir une nouvelle facette de Budapest. La réactualisation d’un guide touristique néanmoins culturel est ainsi l’occasion d’éprouver toutes les coutures city-proof de la capitale. Les renseignements généraux passés (densité de 3229 habitants au km², 1 695 000 Budapestois dont 690 000 actifs, vérification des formalités de départ, des transports, des musées, des bains et des événements, épinglage des meilleures adresses, etc…), il est enfin temps de fondre sur la ville pour vérifier sur pied les lieux dans leur réalité du moment.
Il s’agit d’inventorier les palais et bâtiments fraîchement réhabilités, d’évoquer les derniers quartiers où l’on se presse, mais aussi de vérifier les détails les plus menus tel retrouver sous le pont Szechenyi le limnographe enregistreur de crue du Danube pour savoir si son aiguille a été réparée ou non. Dans la foulée, j’ai croisé le commando de joyeux lurons collant des Smiley aux feux oranges ! Ce méticuleux travail de fourmi dans les méandres de la ville sert à merveille Budapest parcours. Déguisée en ouvrière laborieuse papillonnant de-ci de-là, l’expérience physique de la marche incite soudain à une autre réflexion sur la cité…
Budapest en état de marche. Il est souvent dit en Asie que le miracle n’est pas de marcher sur l’eau mais sur terre. En allant de l’avant, pas à pas, on accepte le passage du dehors en soi. On trace un parcours entre images, sons et aphorisme. Le sens des choses évolue dans une marche initiatique, suite infinie d’apparitions et de disparitions. Chaque don reçu de l’extérieur entraîne contre toute attente un don de soi. Chaque pas engendre une relation agissante avec la ville et les gens croisés. Sans parler des sensations alors ressenties. C’est pourtant évident : plus on regarde, plus on voit. Une mise en condition s’impose pour vivre la marche et être à l’écoute. A Paris, au musée du quai Branly, le visiteur doit s’affranchir de l’ascension d’une longue spirale avant de parvenir à la collection des Arts Premiers. Il y est dit que la marche est une expérience sensuelle, un rite de passage qui opère selon trois phases : transition, transformation, ouverture. S’ouvrir aux choses, aux sentiments, à la ville; la vie en somme.
Mes pas jusqu’à l’épuisement ont ainsi tissé une immense toile sous le soleil et la lune, reliant ces fragments de lieux qui créent Budapest :
Vörösmarty tér, le kis Gerbeaud des autochtones habitués a disparu et le magasin Luxus, ancienne vitrine commerciale de l’Occident, a plié boutique. La Redoute de la place Vigadó est fermée pour rénovation jusqu’en 2009. Dans l’église de la Cité accolée au pont Erzsébet il y a un Mirhab creusé à l’Est en direction de la Mecque avec des inscriptions en Arabe. Le Palais Klotild a entamé une restauration tandis que le gothico-vénitien Párizsi udvar est toujours aussi magnifiquement poussiéreux. Le parking derrière le Musée National est enfin achevé, laissant place à un charmant quartier piéton truffé de palais et de bibliothèques universitaires. Kálvin tér et le pont Szabadság sont malheureusement fermés à la circulation jusqu’à la très précise date du 30 octobre 2008 pour la construction du métro 4. La couronne greco-latine en or du XIIème siècle des rois de Hongrie a quitté le Musée National pour la coupole du Parlement. Le quartier des affaires de la grande place Szabadság et de la Basilique est de plus en plus animé. Le Parlement est toujours le dernier endroit où l’on cause en cas de revendications, policiers fournis. Au bord du Danube, un émouvant mémorial d’une suite de chaussures délaissées symbolise les victimes juives précipitées dans le fleuve durant la Seconde Guerre mondiale. Arany János u. 32, le milliardaire philanthrope George Soros a ouvert les nouveaux locaux de l’Université Centre Européenne dont la bibliothèque est spécialisée dans le communisme et la guerre froide. On bloque la circulation Nagymezö utca depuis longtemps et pour longtemps pour la construction d’un parking qui commencera Dieu sait quand. Dans la même rue, le théâtre de l’opérette bat toujours son plein depuis 1875. Andrássy út le palais Drechsler face à l’opéra cache bien le nom du futur hôtel 5 étoiles + qu’il abritera. Le groupe Orco, quant à lui, affiche fièrement la parfaite réhabilitation des magasins Divat Csarnok et du splendide pavé du 83-85 près du Kodály Körönd. L’architecture organique chère à Budapest concède l’avènement du constructivisme américain à la Franck Gehry Dózsa út. Király utca, le Gozsdu udvar n’en finit pas de finir avec des concepts de plus en plus élaborés (les différentes cours reprenant le thème des saisons, un grand complexe de remise en forme…). La synagogue de Rumbach Sebestyén utca a rouvert ses portes l’an dernier après 50 ans de fermeture. Le stade du peuple prend le nom de Puskás Ferenc, le fameux footballeur aux mollets d’or mort en 2006 (ayant terrassé, entre autres, l’Angleterre 6 à 3 en 1953). Autrefois populaires, les logements de la cité jardin ouvrière de Wekerle sont devenus très prisés. Ceux du gazomètre d’Óbuda n’ont toujours pas trouvé preneur. La colonne de la peste du château a été démontée pour restauration. On ne sait toujours pas ce qu’il est advenu du croissant turc disparu du dôme des bains Király. Le Tabán recèle un autre trésor turc : des stèles funéraires intactes. Le musée de l’Hôtellerie et du commerce a quitté le quartier du château pour s’installer au pied de la Basilique. Budapest se dote de marinas pour accueillir des yachts de luxe dans les XIème et XIIIème arrondissements.Voilà pour l’essentiel la dernière mise à jour de Budapest !
Marcher est bien la meilleure façon d’écrire et de décrire la ville…