Budapest, la Bangkok de l’Europe

Budapest, la Bangkok de l’Europe

Les Hongrois, de manière assez typique pour les habitants de petits pays peu connus dans le monde, se demandent souvent à quoi fait penser leur pays à l’étranger. La réponse n’est pas exactement ce qu’ils imaginent... D’après les réactions des étrangers, observées de Londres à Tel Aviv, en passant par la petite île de Koh Samui, en Thaïlande (oui, même en Thaïlande), la Hongrie évoque typiquement belles femmes et sexe facile, un pays régulièrement représenté dans les «best of» de l’industrie porno.

Si seulement il ne s’agissait que du physique attrayant et de l’éclatante réussite des jeunes Hongroises dans cette branche du marché du sexe. Malheureusement, cela ne s’arrête pas là. La Hongrie, Budapest en particulier, est aussi réputée pour la facilité avec laquelle on y trouve des prostituées, services de «bonne qualité» et prix abordables si on est malin. Sur le site worldsexguide.org, destiné à conseiller les voyageurs à la recherche de services sexuels, Budapest y est décrite comme «un petit bout de paradis pour ce genre de choses.»

Paradis pour certains, enfer pour d’autres. Ces jeunes femmes (filles, souvent) des innombrables bars «topless» de la capitale sont les victimes de l’essor de la prostitution locale et de l’explosion du trafic des femmes à des fins d’exploitation sexuelle, phénomènes qui ont suivi de près l’effondrement des régimes communistes à travers l’Europe centrale et orientale.

La crise économique et sociale qui caractérise la transition de la Hongrie vers le capitalisme résulte en effet dans une baisse générale des revenus pour la majorité de la population et dans la perte de la securité offerte par l’ancien régime en termes de protection des individus par l’Etat, par la communauté, par la famille. Accompagnée de la volonté d’accéder au marché des biens de consommation à tout prix, de l’expansion de l’idéal matérialiste et de la désorganisation sociale et politique propre aux pays en transition, la situation devient particulièrement propice à l’explosion d’une économie souterraine pour laquelle la prostitution est aujourd’hui encore un des business les plus rentables. Les autorités ont alors du mal à tenir tête aux diverses mafias (en particulier russe et ukrainienne) et s’impliquent peu dans leurs affaires, si ce n’est, dans quelques cas, en tant que complices. Les jeunes Hongroises constituent la grande majorité des prostituées de la capitale ; elles viennent souvent de la campagne ou sont orphelines. Les jeunes filles d’origine tzigane étant les plus représentées.

Dès le milieu de la décennie, Budapest est devenue la Bangkok de l’Europe. Le nombre de touristes intéressés par des prostituées de tous âges croît beaucoup plus vite que la fréquentation touristique globale, déjà en forte hausse. La nouvelle demande de prostituées émane aussi des „locaux”. Un nouveau type de client fait son apparition : une partie de la nouvelle élite économique sans scrupules, tout particulièrement les magnats de l'économie parallèle, ont fréquemment recours à des prostituées. Mais l'industrie du sexe, sous toutes ses formes, gagne aussi l'ensemble de la population, comme en Occident. Bien qu’il soit naturellement difficile de déterminer leur nombre, la Coalition contre le Trafic des Femmes (CATW) estime qu’à la fin des années 90, les prostituées étaient environ 3.000 à 4.000 dans les rues de Budapest. Quelque 5.000, dont la moitié d’étrangères, proposaient leurs services dans les bars ou les hôtels.

En 2007, l’ampleur du phénomène est la même. Ce qui change, c’est l’âge et la nationalité des prostituées de Budapest. Non seulement les filles sont de plus en plus jeunes, mais, venant dans une proportion de plus en plus grande de l’ex-URSS et des Balkans, elles sont aujourd’hui en majorité les victimes de la traite des femmes à des fins d'exploitation sexuelle. Le nombre annuel de ces femmes est estimé à plus de 4.000 (Organisation Internationale pour les Migrations, Country Report on Trafficking in Human Beings, 2005). Il s’agit dans la quasi-totalité des cas de prostitution forcée. Russes, Roumaines, Ukrainiennes, Moldaves, Bulgares, Bosniaques, Albanaises, Tziganes de tous ces pays, les filles restent à Budapest ou continuent leur route vers l’Europe de l’Ouest, les Etats-Unis, le Mexique...vers d’autres Bangkok.

Marion Kurucz

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